Acta fabula
ISSN 2115-8037

Dossier critique
2017
Octobre 2017 (volume 18, numéro 8)
Alain Viala

Théâtre et journalisme au xixe siècle : regard sur un début de cartographie

Olivier Bara et Marie-Ève Thérenty (dir.), Presse et scène au xixe siècle, en ligne sur le site Media19, 2012. URL : http://www.medias19.org/index.php?id=1283.

1La presse publie ; mais la scène aussi est, avant tout, un lieu de publication. Les deux ne peuvent donc qu’entretenir des liens étroits. Non seulement parce que l’un, le théâtre, a besoin de l’autre, la presse, pour faire sa publicité — y compris sous la forme de la critique dramatique, mais aussi parce qu’ils participent d’une même théâtralisation des pratiques sociales du loisir. Il était donc plus que judicieux d’entreprendre un recueil d’études sur un temps où l’un et l’autre ont connu une forte expansion, comme le propose le remarquable dossier réuni par Marie-Eve Thérenty et Olivier Bara.

Introduction panoramique

2L’introduction qu’ils donnent à ce dossier, sous le titre « Presse et scène au xixe siècle. Relais, reflets, échanges », relève à très juste titre que dans le champ littéraire au xixe siècle, la presse et le théâtre participent pour partie d’une même logique. Si le prestige symbolique s’attache alors à la création poétique, c’est du côté du journalisme (« Fais-toi chroniqueur, Gringoire, fais-toi chroniqueur ! Tu auras de beaux écus à la rose1 »…) que se trouvent les moyens de subsistance les plus assurés. Du côté du théâtre, les recettes peuvent aussi être et attrayantes et rapides. On doit certes tenir le plus grand compte des différences entre les deux. Au moment où Girardin lance La Presse, par exemple, il n’y a que vingt cinq « théâtres » (à proprement parler) à Paris. Mais il est juste de souligner, comme cette introduction le fait d’emblée, la proximité de ces deux parties du champ — ne serait-ce que parce que nombre d’auteurs pratiquent l’une et l’autre forme de production — mais aussi, du même coup « la cruauté de ces deux mondes l’un envers l’autre2 ». Relève aussi que l’investigation de ce domaine a été assez abondante dans les dernières années3, et reste encore largement à mener pour le xixe siècle, période où l’un et l’autre de ces types d’activité se sont développés et même industrialisés. Le dossier est donc on ne peut plus bienvenu.

3Cependant, une remarque s’impose d’emblée. Conçu de la sorte, il ne pouvait qu’être, à la fois, passionnant et biaisé. Biaisé parce que, justement, la « période » doit, ici comme ailleurs, être problématisée. Quand il s’agit de la presse, il va de soi qu’une spécialiste de la presse comme Marie-Ève Thérenty connaît les questions ci-dessus sur le bout du doigt, comme on dit, et d’ailleurs elles sont prises en compte dans la suite du dossier. C’est donc bien un effet proprement institutionnel qui est ici en cause. L’incoercible réflexe de procéder par « siècles » tient à des habitudes profondément enracinées, et à une commodité dont il est bien difficile de se défaire. Reste qu’ici, il serait sans doute utile que soit dit dès le début de l’introduction que l’idée de « siècle » impose un cadre mal venu, et que s’il faut « faire avec » — comme on dit aussi — c’est en la remettant sans cesse sur le métier qu’il est possible de tirer quelque chose de cet « avec » dans ce « faire ». Voilà posé, sans plus d’ambages, un des sujets majeurs de discussion que me semble appeler ce dossier, par ailleurs, je le redis aussi, remarquable et passionnant.

4Un des sujets, car, dans la même logique, il eût été possible de poser la question en des termes tels que « le temps de l’industrialisation de la culture ». En termes d’histoire du théâtre, les lois élaborées sous la Révolution ont permis, en dépit de la censure et des contrôles de tous ordres, une multiplication des salles de spectacles (vingt-cinq, disais-je il y a un instant : c’est peu, mais c’est bien plus que cinquante ans plus tôt), comme aussi des journaux. Et les transformations techniques n’ont pas été moindres. Techniques de production et de commercialisation pour la presse. Techniques de production pour les médias en général : qu’on songe à l’explosion d’images permises par l’essor de la lithographie, et où abondent, comme dans les journaux, les représentations concernant le monde des théâtres… Parler en termes d’ « industrialisation » aiderait à pousser plus loin l’analyse sur les différences, voire les oppositions, au sein du champ. Et sans doute amènerait à voir les relations entre production dramatique et journalisme comme des non pas « incestueuses4 » mais au contraire complémentaires dans des carrières qui ont pour logique non pas de s’assurer une position (de préférence dominante) dans l’un ou l’autre secteur, mais d’utiliser ces deux secteurs comme des espaces où se peuvent conquérir des gains en argent et en influence(s).

5En écrivant ces remarques, deux soucis me sont présents à l’esprit. L’un, c’est qu’au fond je n’ai en la matière rien de bien neuf à dire en regard de ce que Balzac fait exposer par Lousteau dans sa conversation du Luxembourg à vocation d’initiation de Lucien de Rubempré, le « Grand homme de province à Paris » dans Illusions perdues : le moyen de gagner de l’argent et du pouvoir, en ce temps, est de devenir une sorte de proxénète du théâtre dans les journaux. Donc je n’en dirai pas plus. D’autant que, second souci, le lecteur pourrait penser que je mitonne un article sur le mode de la rhétorique perfide, en accumulant les « c’est passionnant mais… » (une sorte de « Yes but… » par acculturation ; mais : « post Brexitem, “Yes but” tristum est ») pour ne faire de place en fait qu’aux « mais ». Non, il y a beaucoup de passionnant sans aucun « mais ». Ainsi, toujours dans l’introduction, de l’interrogation sur le parallélisme et les différences entre les deux espaces de la presse et de la scène dans leurs effets politiques, avec une remarque justissime sur les réactions au Roi s’amuse de Hugo5. Ou bien du rôle de la presse spécialisée, alors en essor, y compris en province, y compris pour faire l’apologie d’une salle. Ou encore de la présence de la presse et des journalistes comme objets et sujets présents sur la scène. Ah, tiens, en passant, sur ce dernier cas, un « mais » encore. Il est question à ce moment du texte, du « reflet » de la vie dramatique dans la presse par la création d’une taxinomie des théâtres et de leurs personnels. Il serait peut-être utile de voir que cette taxinomie est en fait d’une généalogie un peu plus longue et compliquée, et qu’on la trouve, en amont des exemples cités, dans Les Filles publiques de Paris, du commissaire Béraud, en 1839, et dans Les Vierges folles d’Alphonse Esquiros, en 1840 — plaidoyer socialiste et féministe qui est pour une bonne part une réponse à Béraud —, qui l’un et l’autre passent en revue les différents statuts d’actrices, non du point de vue de leurs qualités dramatiques, mais des avantages que cela leur procure pour ce qu’ils estiment être leur activité principale, la prostitution. Ou enfin, des excellentes observations sur la « théâtralisation des écritures de presse » et l’emploi dans les journaux d’articles en formes de « micro-spectacles dans un fauteuil ».

6Pour en finir avec le regard panoramique proposé dans cette introduction à quatre mains, il suffit de dire que cette partie, et la suivante, sur les « Reprises et adaptations de figures et des textes journalistiques/dramatiques » sont des démonstrations suggestives, autour de cas tels que « Mimi Pinson » et que « Robert Macaire » (avec l’observation des figures que lui donne Daumier dans ses gravures). Au total, l’idée qu’il s’est opéré une médiatisation et une mythification des figures dramatiques est parfaitement argumentée et convaincante. De dire aussi que ce texte introductif donne une vue panoramique des contenus du dossier et de signaler enfin qu’il se termine par un appel à des contributions qui prolongeront et compléteront l’enquête.

Aperçus sur les études de cas

7Cette enquête est ici déjà nourrie par nombre d’études de cas, et quelques articles de plus large empan. Parmi ces derniers, les analyses de pièces et de journaux sont abondantes et minutieuses. Je relèverai deux articles qui en quelque sorte « encadrent » le siècle, avec des perspectives plus globales. L’un — commençons par la fin chronologique — élabore une comparaison entre la « revue » dramatique et la forme journalistique de la revue (Romain Piana, « L’imaginaire de la presse dans le revue théâtrale »). L’autre envisage la question de la censure, à partir des décisions imposées sous l’Empire, et permet des discerner des évolutions qui peu à peu se différencient (Odile Krakovitch, « Une seule et même répression pour la presse et le scène ? »). Mais les envisager tous (22 au total) tournerait au résumé fastidieux : et oiseux puisqu’il est déjà, comme j’ai dit, très bien fait dans l’introduction. Je m’attacherai donc plutôt aux études de cas de la section « Relais médiatiques et phénomènes dramatiques », qui offrent une gamme où prennent forme à peu près toutes les questions abordées ensuite. Elles vont de l’analyse de ce qui est dit du « Théâtre d’Alexandre Dumas dans le « Courrier de Paris » de L’illustration » de 1843 à 1848 (par Marie-Laure Aurenche) aux « Petites revues d’à côté » de la fin du siècle, donc les revues qui dialoguent avec les « théâtres d’à côté » des scènes commerciales et institutionnelles, comme le Théâtre Libre et le Théâtre de l’œuvre (par Anne Pellois), en passant par la « publicité réciproque entre presse et monde théâtral » (par Sylviane Robardet-Eppstein) et les « Images médiatiques du metteur en scène » de 1830 à 1900 (par Alice Folco).

8Je commencerai ici par ce dernier article qui m’a particulièrement accroché. Moi-même historien du théâtre à mes heures, j’ai écrit et publié que la mise en scène naît, à proprement parler, avec André Antoine et son Théâtre Libre, grâce à l’emploi qu’il y fait de l’électricité. Non sans bien sûr indiquer prudemment que la fonction existe auparavant mais sans être identifiée comme telle et professionnalisée. L’enquête que mène Alice Folco sur les commentaires de spectacles dans les journaux permet à la fois de nuancer cette prudence et de préciser l’idée. Elle montre en effet que les occurrences du terme qui adviennent tôt dans le siècle sont associées au caractère pratique, disons même technique, du travail de mise en scène. Jusqu’à faire du « metteur en scène » un « auteur », auteur du spectacle qui quelquefois compense les faiblesses de l’auteur du texte (voir les pages 4 à 6 de son article). Deux idées importantes sont ainsi mises sous une lumière nouvelle. L’une, que l’art est bien avant tout « teknè ». L’autre, qui apparaît à travers les réticences de l’époque, telles que les signale Alice Folco, à l’égard de la transposition de cette fonction depuis des représentations où domine le caractère spectaculaire vers des théâtres « à texte » : elles montrent que le tropisme « littéraire » restait fort.

9Cette approche présente des liens forts avec ce qu’analyse Sylviane Robardet-Eppstein dans ses « Mises en scène sur papier journal », autrement dit les « interactions entre presse et théâtre » vues à partir de la publication dans les journaux de mises en scène dramatiques. La chronologie et la typologie qu’elle en donne sont claires et convaincantes. Et elles éclairent, avec des publications comme La Gazette des Théâtres, Gil Blas et le Journal des comédiens, une des facettes de l’industrialisation dont il a été question plus haut. La profession comptait alors un nombre suffisant de pratiquants pour que se fasse jour un marché pour des publications qui fournissaient les indications scéniques, le stock de didascalies mais aussi de péritextes et d’informations de toute sorte sur la pratique des représentations nécessaires au « gens du métier ». L’analyse est d’autant plus parlante qu’elle prend en compte aussi les supports visuels, et la publicité qu’en font les périodiques. Apparaît là aussi un phénomène culturel important : l’expansion du théâtre en province. Ces publications trouvent en effet une part notable de leurs destinataires. C’est dès lors bien toute une part de l’histoire culturelle qui apparaît, par delà les tropismes parisiens et littéraires.

10En contraste, on retrouve le tropisme littéraire avec les revues qu’examine Anne Pellois, dans leur relation aux « théâtres d’à-côté » des usages institués. Elle y met en avant notamment leur rôle de sites pour le programme du symbolisme et pour la « critique (d’) artiste ». L’expression, sous son apparente coquetterie, a du sens et constitue une bonne trouvaille, en ce qu’elle met en lumière le paradoxe d’une critique qui ne vise pas seulement à faire la promotion d’une pièce, mais à en suggérer à son tour les tonalités et émotions possibles. Qui donc va à rebours des usages courants de la critique dans les luttes pour le contrôle des zones les plus rentables du champ. On est alors frappé, au terme de cette étude, par l’analyse d’une « Note sur le théâtre » publiée par Mallarmé en 1887 : l’art dramatique s’y voit érigé en une « utopie », une sorte d’idéal inaccessible et pourtant sans cesse désirable. Type de paradoxe que l’on connaît bien chez Mallarmé, qui parcourt toute sa production poétique, mais qu’il est intéressant de voir appliquer à l’espace du théâtre, espace par nature concret mais ici comme dissous dans la quête d’un rêve. L’auteure note, à juste titre, le caractère de « poncif » de l’idée que le théâtre symboliste serait « rétif à [la mise sur] la scène » : il y a tout de même là l’enjeu d’une idéalisation extrême du littéraire, même en ce qui par définition le dépasse.

11J’ai gardé pour la fin le travail de Marie-Laure Aurenche sur le Théâtre d’Alexandre Dumas tel qu’en rendent compte le « Courrier de Paris » de L’Illustration. Le seul nom de Dumas fait en effet surgir l’ensemble des questions que j’ai pu évoquer : celle du dialogue entre pratique dramatique et littérature, celle de l’industrialisation de l’une et l’autre, celle des entreprises très concrètes de réalisation (y compris via la tentative de Dumas d’avoir son propre théâtre), enfin et surtout, dans la question-clef qui est celle de la relation entre un espace principalement verbal (la presse) et un principalement visuel (la scène). Il y a dans cette étude — comme pour l’ensemble du dossier, puisque l’introduction en fait un usage bel et bon — des illustrations, comme il est de mise dans une entreprise qui a pu être qualifiée comme fabrication de « spectacle dans un fauteuil ». Les comptes rendus des pièces de Dumas qui relèvent de l’adaptation scénique de ses propres romans font ressortir aussi, une fois encore, la tension entre la littérature et la scène, comme si l’œil du public, content des effets scéniques, risquait de manquer ensuite de curiosité pour la lecture. Le rôle des gravures insérées dans les comptes rendus marque ainsi le choix de mettre en évidence des épisodes-clefs dans des intrigues complexes comme les affectionne Dumas, des intrigues, en un mot, romanesques.

12Ces quelques aperçus sur les aperçus proposés par cette partie du dossier suffisent à attester qu’il y a bien là un gisement d’informations et de problématiques. Inutile d’ajouter que chacun des articles est rédigé avec une clarté impeccable et nanti de toutes les informations érudites et bibliographiques nécessaires et possibles. Bref, que c’est de la belle ouvrage.

Ouvertures : « des bas roses à coins verts »

13Je prends ces aperçus comme des ouvertures. Ils donnent envie de regarder au-delà. Comme faisaient les lithographies de l’époque quand elles représentaient une porte ou une fenêtre et comportaient un cachet à soulever pour voir ce qu’il pouvait y avoir à voir derrière – et qui était en général polisson. Et puisqu’il s’agit ici d’un cadre d’ensemble défini comme « Le théâtralisable et le théâtralisé », que tout est possiblement théâtralisable mais qu’une société se dessine notamment par les spectacles qu’elle produit, filons la métaphore : le théâtre est le lieu du regard, regardons. Regardons ce que ce dossier suggère qu’on pourrait regarder encore.

14Il touche sans cesse à des questions de société. La presse est à cet égard un bon observatoire, comme le théâtre. Et il ne s’enferme pas dans la critique théâtrale des pièces canoniques, ou des productions d’auteurs plus ou moins canonisés.

15Mais il serait possible d’aller plus avant sur deux suggestions qui apparaissent, au fil des analyses et pourraient bénéficier de plus d’attention. L’une concerne les productions imprimées de petit volume et à caractère éphémère. J’ai évoqué plus haut les lithographies, ici je pense plus particulièrement aux « brochures » et aux affiches et programmes. Autrement dit : comment le théâtre se théâtralisait-il dans sa publicité ? Ce qui conduit à interroger l’idée même de publicité, une des grandes « inventions du siècle », et une des nécessités de toute économie qui passe à la grande échelle marchande et industrielle. On ressent constamment, à lire ces articles, que la presse avait une fonction bien autant publicitaire que critique. Du coup, cela donne envie d’en savoir plus sur les modalités de la publicité proprement dramatique d’abord, puis de la dramatisation publicitaire ensuite. Comment la publicité fonctionnait par « scènes », qui chacune impliquait une possible intrigue, si minimale qu’elle fût, une logique de la « saynète ». Ce qui conduirait à reprendre la question des destinataires, et donc celle de la stratification sociale des productions théâtrales et périodiques.

16L’autre piste, sécante, serait celle du « goût », à diverses reprises convoqué comme critère de jugement ou comme enjeu (surtout pour dénigrer des spectacles qui risquent de nuire au « bon goût »). Goût à entendre ici évidemment comme catégorisation du plaisir. Le théâtre relève de l’économie du loisir, et la presse, qui en relève en partie aussi, fonctionne comme à la fois un guide pratique indiquant ce qu’on peut aller voir, et comme un régulateur – dans sa dimension critique. Or les pièces de théâtre, le plus souvent, parlent peu ou prou d’amour. Et une des questions qui donc vient est : comment se théâtralise l’amour ? Si, par exemple, Hugo a fait scandale en montrant François Ier en coureur de jupon, comment et pour qui et « pour quoi » (car, que je sache, Le Roi s’amuse ne contient rien d’obscène ni de pornographique) ?

17Puisque j’ai adopté le mode personnel dans ce compte rendu, on me permettra une remarque un peu personnelle. Dans les « Rencontres Recherche et Création » que nous organisons chaque année dans le cadre du Festival d’Avignon, j’ai été frappé par le fait que, parmi les artistes participants, les metteurs en scène parlent de façon passionnante de la façon dont ils élaborent leurs spectacles, de façon souvent émouvante des émotions qu’ils traquent, mais rarement d’amour, en tout cas d’érotisme. Une des questions qui me semble-t-il mérite qu’on la pousse un peu est celle de l’érotisme intrinsèque de la pratique théâtrale. Alphonse Esquiros le remarquait en 1840 : le but des actrices est d’être considérées comme des « artistes » mais leur pratique consiste avant tout à « se mettre en évidence », donc à engager leur corps (pour, éventuellement, en faire commerce ensuite). Et l’épisode le plus connu de la littérature romanesque de ce temps (ou l’un des épisodes, car il serait possible de faire état aussi d’Esmeralda, autre actrice), n’est-il pas, dans Illusions perdues — j’y reviens — le texte que rédige Lucien pour son entrée dans le monde de la presse et de la critique dramatique publicitaire ? On se souvient du pastiche auquel se livre Balzac à cette occasion, et de ce que son texte donne à voir, et vise à donner envie de regarder : ce sont « les bas roses à coins verts » de l’actrice. Donner envie de regarder : opération d’érotisation.

18La presse me semble pouvoir gagner à être regardée selon cette interrogation, et le théâtre tout autant. Alors, puisque j’ai écrit ce compte rendu en pensant au projet sur « Le théâtralisable et le théâtralisé », il me semble possiblement utile de suggérer, dans la continuité de l’excellent dossier de Médias 19, que la curiosité aille vers ce qui fait le fond de toute l’économie du loisir, et du théâtre en particulier : le principe de plaisir. Et ce dans toutes ses implications, y inclus la libido sciendi certes et bien sûr, et la dominandi itou, mais aussi et surtout dans la médiation de la troisième sans quoi il n’est pas de « scène ».