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Charles Trenet : que reste-t-il de ses beaux jours ? (Valenciennes)

Charles Trenet : que reste-t-il de ses beaux jours ? (Valenciennes)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Colette Lucidarme)

Appel à communication

Colloque : « Charles Trenet : que reste-t-il de ses beaux jours ? »

28, 29 et 30 novembre 2018

Université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis

 

Responsabilité scientifique :

CALHISTE (Cultures, Arts, Littératures, Histoire, Imaginaires, Sociétés, Territoires, Environnement) de l'UVHC (Université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis). Programme transversal « Transports et mobilités »).

CLIC (Centre for Literary and Intermedial Crossings) de la VUB (Vrije Universiteit Brussel).

CERCLL (Centre d’Études des Relations et Contacts Linguistiques et Littéraires) de l'UPJV (Université Picardie Jules Verne).

 

Organisation :

Stéphane Hirschi (UVHC, France),
David Gullentops (VUB, Vrije Universiteit Brussel, Belgique),
Céline Pruvost (UPJV, France),
Audrey Coudevylle-Vue (UVHC, France),
Sarra Khaled (UVHC, France/Université de Carthage, Université de la Manouba, Tunisie),
Colette Lucidarme (UVHC, France),
Catherine Thomas (UVHC, France / VUB, Belgique).

Argumentaire :

Le laboratoire du CALHISTE de l’UVHC, en partenariat avec le CERCLL et le CLIC, organise le premier colloque international consacré à Charles Trenet (1913-2001). L’étude de cet artiste aux talents multiples s’inscrit dans le cadre du programme transversal du CALHISTE « Transports et mobilités ». Cet axe, consacré aux déplacements et à tous les modes d’expression qui font voyager hors des moyens de transport physique recensés (mouvements des hommes, des informations, des créations ; avancées technologiques et nouveaux modes de communication) trouve dans l’œuvre de Trenet de quoi penser différemment le rapport au monde. C’est également le cas pour le CERCLL dont le travail, complémentaire à celui du CALHISTE, s’intéresse à la circulation d’objets et de formes entre – et à l’intérieur de – différents médias et types de supports, pour son projet transversal « Circulations intermédiatiques : langues, supports, genres ». Enfin, le travail de cet artiste a également de quoi alimenter les réflexions du CLIC dont les recherches s'articulent autour de trois concepts majeurs : le médium (et les relations intermédiales), le genre (dont les limites conventionnelles sont sans cesse redéfinies par les artistes selon les époques et les contextes) et l'espace (qui traduit notamment les enjeux identitaires et politiques de nombreuses productions artistiques).

Dans le contexte contrasté de l’Entre-deux-guerres, entre effervescence et tensions, modernité et conservatisme, Trenet adopte une posture artistique complètement innovante, portée tout aussi bien par l’énergie de sa jeunesse enthousiaste que par son attraction pour les sonorités et rythmes nouveaux, venus d’Amérique du Nord. Toutefois, ces inspirations, plus abouties et systématiques que celles déjà entamées par sa contemporaine Mireille, Trenet les doit à une rencontre décisive qui marque ses débuts dans la chanson : sa collaboration avec un pianiste passionné de jazz, Johnny Hess. C'est lui qui initie Trenet à toutes les subtilités de ces structures musicales, à l'utilisation de ces formes balancées, syncopées ou scandées.

Pourtant le paysage sonore de l’époque demeure encore très marqué par les grandes figures tutélaires du Music-Hall (la Miss et Maurice Chevalier, alors aux États-Unis, où il triomphe au cinéma), voire celles plus vieillissantes du Café-Concert (Dranem, Yvette Gilbert, Georgius, etc.). Le public français du début des années trente reste friand des grandes interprètes réalistes (Damia, Fréhel, Lys Gauty, Marie Dubas, etc.), des Tangos endiablés de Carlos Gardel ou des Opérettes provençales. Le jeune duo, Charles et Johnny, dont le style fut pour un temps qualifié de « surréaliste », installe néanmoins sa renommée jusqu’à signer en 1936 le triomphe de Jean Sablon, Vous qui passez sans me voir, qui connut le succès que l’on sait : Grand Prix du Disque et plus de 700 enregistrements dans le monde entier.

C’est d’ailleurs à ce moment que l’usage du microphone se généralise, modifiant le rapport à la voix, et que l’industrie radiophonique et discographique, en plein essor, étend la diffusion comme la fixation sonore des œuvres. Parallèlement, un jazz authentique commence alors à se répandre, grâce aux initiatives de Hugues Panassié et Charles Delaunay (Le Hot Club de France en 1932 ; la revue Jazz Hot en 1935). Indéniablement, ces avancées ont eu des répercussions les unes sur les autres et ont influencé le style de Trenet : la voix du micro, une prédominance du rythme et une poésie de l'oralité, consacrant également une posture nouvelle, celle de l’auteur-compositeur-interprète.

Cette contemporanéité du jazz et des nouveaux modes de diffusion confère à la chanson une modernité non seulement musicale mais aussi littéraire. Les textes de Trenet se prennent de fantaisie, de liberté, de subversion, osent des effets stylistiques et offrent des possibilités d'interprétation empreintes de légèreté, de dynamisme. Le comique n'en est pas moins un moyen de distanciation, le merveilleux, une manière de se décentrer pour dissoudre certaines angoisses et tourments. Comment la langue se transforme-t-elle alors au contact de ces rythmes nouveaux ? Comment l’interprétation elle-même en vient-elle à être renouvelée ? Ces éléments de réflexion et ces questionnements avaient déjà été mis en lumière par Lucienne Cantaloube-Ferrieu en 1981, puis à nouveau considérés en 1996 avec la revue Europe consacrée à l'artiste. Toutefois, ils n'ont pas été interrogés depuis et n'ont pas fait l'objet de perspectives nouvelles, d'où l'intérêt de revisiter cette œuvre aujourd'hui en élargissant les champs d'approche.

Charles Trenet offre également un terrain particulièrement vaste et fertile aux études intermédiales. Il a en effet livré une œuvre protéiforme et s’est essayé à de nombreuses disciplines différentes : la chanson, en tant qu’ACI, la littérature à travers poèmes, essai biographique (Mes jeunes années racontées par ma mère et par moi en 1978), romans (Dodo Manières en 1939, La bonne planète en 1949, Un noir éblouissant en 1965, Pierre, Juliette et l’automate en 1983), la peinture, le cinéma pour lequel il fut accessoiriste et décorateur à ses débuts, puis acteur, scénariste, compositeur de chansons. On pourra s’interroger sur l’agencement de ces médiums dans ses productions et sur les raisons de leur coexistence. Sans doute la qualité intermédiale des travaux de Trenet constitue-t-elle une des clés pour comprendre en quoi et comment son œuvre a significativement contribué au renouveau de la chanson française.

Par ailleurs, à travers la figure phare du « fou chantant », il peut être intéressant d'interroger également la notion de « classique » de la chanson française en tant que catégorie esthétique. Il s’agirait ainsi de rechercher les critères stylistiques, poétiques et musicaux nécessaires pour attribuer l’étiquette « classique » à un artiste en partant d’une œuvre qui nous transporte incontestablement « hors de l’espace-temps » comme celle de Charles Trenet et cela, afin d’essayer d’aboutir à une définition théorique d’un classicisme en chanson. Les questions suivantes peuvent servir de tremplin à la réflexion : en quoi se résume le classicisme d’un artiste ? Serait-ce par sa figure d’ACI ? Par la poéticité de ses textes ? Par l’originalité et l’éclectisme de sa musique ou, au contraire, par son inscription dans des codes (quels seraient ces codes) ? Par sa capacité à traverser l’espace-temps ? Comment expliquer qu’en 2017, les titres de Charles Trenet soient encore chantés et repris par la jeune génération (Carte de Séjour, Benjamin Biolay, Sanseverino) ou encore dans des télé-crochets à grande audience (The Voice, Star Academy) ? Comment reconnaître une chanson composée ou écrite « façon Trenet » (Charles Aznavour) ? Considéré comme le père de la chanson moderne, Charles Trenet a marqué sa génération et a été le modèle de plusieurs artistes incontournables de la chanson française qui n’ont cessé de lui rendre hommage différemment dans leurs œuvres, faisant de lui le classique des classiques (nous pensons en particulier à un artiste comme Charles Aznavour). Il serait donc intéressant d’étudier, dans le cadre de ce colloque international, l’influence de Trenet sur différents artistes de la chanson française et de mesurer l’impact de son héritage jusqu’à nos jours.

On voit donc se dessiner quatre grands axes de réflexion : l’inscription de la nouveauté de Trenet dans un contexte historique ; les relations entre jazz et chanson ; une interrogation sur l’intermédialité dans cette œuvre ; un élargissement théorique autour de la notion de chanteur classique. Ces quatre champs ne sauraient être limitatifs. Il s’agit dans ce colloque, autour et à partir de la figure de Charles Trenet, d’opérer une synthèse actuelle de toutes les facettes de son œuvre, et également de la mettre en relation avec toutes les formes de création susceptibles de dialoguer avec elle : influences, traductions, adaptations, reprises. Toutes les spécialités proches de la littérature et de la musique sont invitées à soumettre des propositions de communication : analyse, histoire, biographie, critique, esthétique, médiation, interprétation musicale…

 

Bibliographie :

« Charles Trenet », EUROPE, 805, mai 1996.

BALEN Noël, Charles Trenet : le fou chantant, Monaco : Éditions du Rocher, 2001, 237 p.

──, Charles Trenet, Chaintreaux : Éd. France-Empire monde, 2013, 223 p.

BUSSY Pascal, Charles Trenet, Paris : EJL, 1999, 93 p.

CANNAVO Richard, Charles Trenet : sa vie et ses chansons, Paris : Seghers, 2002, 188 .

──, Monsieur Trenet : biographie, Cabu, illustrations/graphisme Paris : Lieu commun, 1993, Nouvelle édition, revue et augmentée, Paris : Plon, 2001, 664 p.

──, Trenet, le siècle de liberté, illustration de Cabu, Paris : Hidalgo éditeur, 1989, 648 p.

CANTALOUBE-FERRIEU Lucienne, Chanson et poésie des années 30 aux années 60 : Trenet, Brassens, Ferré ou les « enfants naturels » du surréalisme, Paris : Nizet, 1981, 688 p.

CASSATI Sandro, Charles Trenet : une vie enchantée, Saint-Victor d’Épine : 2011, 234 p.

CHALENÇON Pierre-Jean, Charles Trenet, dédicace de Jacques Higelin, Paris : Scali, 2005, 144 p.

HIRSCHI Stéphane, La chanson française depuis 1980 : de Goldman à Stromae, entre vinyle et mp3, Paris : Les Belles Lettres (Coll. « Cantologie », 8), 2016, 330 p.

──, Chanson. L’art de fixer l’air du temps, Paris : Les Belles Lettres (Coll. « Cantologie », 6), 2008, 298 p.

LEBON Christian, Charles Trenet : « appelez-moi à 11 heures précises ! », Paris : D. Carpentier, 2008, 125 p.

LISITA Vincent, Trenet méconnu, Paris : Les Échappées, 2013, 174 p.

PESSIS, Jacques, Trenet, le fou chantant : de Narbonne à Paris, Catalogue de l'exposition éponyme, Paris : Paris bibliothèques, 2013, 95 p.

──, Trenet : le philosophe du bonheur, Paris : Ed. De l'Archipel, 2011, 237 p.

──, Trenet : l'âme d'un poète, Paris : Plon, 1993, 262 p.

SEGOT Jean-Philippe, Charles Trenet à ciel ouvert, Paris : Fayard, 2013, 688 p.

TRENET Charles, Mes jeunes années racontées par ma mère et par moi, Paris : Robert Laffont, 1978, 239 p.

VARROD Didier, Charles Trenet, Paris : Flammarion, 2013, 221 p.


Les projets de communication (titre et résumé jusqu'à 3000 caractères, espaces compris), assortis d'une courte biographie, sont à envoyer avant le 20 mars 2018 à l'adresse suivante :

colloquetrenet@gmail.com