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Appel à contributions du n° 25 de la revue TRANS- :

Appel à contributions du n° 25 de la revue TRANS- : "Insularités / Archipels"

Appel à contributions du n° 25 de la revue TRANS- : « Insularités / Archipels »

Dans sa Philosophie de la relation, Édouard Glissant définit la pensée archipélique comme pensée de l’essai, de la tentation intuitive, qu’on pourrait opposer à des pensées continentales, qui seraient avant tout de système :

"Par la pensée continentale, l’esprit court avec audace, mais nous estimons alors que nous voyons le monde d’un bloc, ou d’un gros, ou d’un jet, comme une sorte de synthèse imposante, tout à fait comme nous pouvons voir défiler par des saisies aériennes les vues générales des configurations des paysages et des reliefs. Par la pensée archipélique, nous connaissons les roches des rivières, les plus petites assurément, roches et rivières".[1]

Au sein d’un contexte mondialisé, le « Tout-monde » d’Edouard-Glissant ne peut être que le réseau de ses mondes[2] : la mise en relation archipélique ne peut donc se faire sans reconfiguration narrative du monde, et cette reconfiguration passe nécessairement par l’éthique d’une relation à l’autre. L’opposition entre « le continent » (figure de la totalité) et « l’île » (figure ouverte de la fragmentation) implique une pensée totale de la relation, aussi bien physique que linguistique, qu’intellectuelle ou culturelle. Entre distance avec l’autre (et mise en valeur de cette distance comme constitutive d’une identité radicale) et mise en lien, la métaphore de l’insularité peut-elle alors aussi permettre de construire une éthique d’une relation comparatiste ?

En effet, dans une dynamique à la fois diachronique et synchronique, le comparatisme est véritablement une « herméneutique de la défamiliarisation » – selon les mots de Françoise Lavocat à la suite de la parution du Death of a Discipline de Gayatri Chakravorty Spivak[3]. Les insularités constituent un enjeu majeur de notre discipline, fortement influencée à la fois par les questions d’hétéroglossie et de subalternités. Considérer l’insularité, c’est penser la distance, le regard que l’on porte sur l’isolement – démarche critique de notre propre position réflexive – ; mais aussi interroger les statuts métaphoriques des bandes de mer qui entourent l’île et les ensembles insulaires : quels mouvements ? Quels statismes ? Peut-on encore mettre en relation les îles ?

Cet appel de la Revue Trans- se propose donc de dépasser l’échelle de l’analyse des oeuvres d’Edouard Glissant, et d’envisager les notions d’insularités et d’archipels en tant qu’outils d’analyse et méthodologie critique en littérature comparée. Si Édouard Glissant a posé la notion d’archipel comme refus de toute « pensée de système »[4], c’est parce qu’elle permet la pensée d’une pluralité du divers et la saisie des différentes insularités. C’est parce que la métaphore de l’insularité chez Édouard Glissant fonctionne comme la mise en contact d’une pluralité des mondes que la pensée archipélique peut aussi participer d’une réflexion épistémologique sur les enjeux du comparatisme.

Dans ce dossier de la revue TRANS-, il ne s’agira donc pas tant d’étudier les archipels glissantiens dans leurs dimensions thématiques et symboliques, que de considérer ce que le concept de relation archipélique fait à la discipline de la littérature comparée, en analysant les ramifications et les devenirs de ce concept dans les textes et nos postures. Les contributeurs de ce numéro sont ainsi invités à nouer et à dénouer les interrogations que soulèvent les notions d’insularité et d’archipel, moins comme donnée thématique et métaphorique dans les œuvres littéraires, que comme outil d’analyse et de méthodologie critique pour notre discipline. Nous nous efforcerons ainsi de penser de quelle manière l’image de l’/des insularité/s peut informer la posture du chercheur en littérature comparée.

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Les propositions d’article (3000 signes), accompagnées d’une brève bibliographie et d’une courte présentation du rédacteur doivent être envoyées avant le 19 mai 2019 en fichier .DOC ou .RTF à l’adresse lgcrevue@gmail.com. Les articles retenus seront à envoyer pour le 15 septembre 2019. Nous rappelons que la revue de littérature générale et comparée TRANS- accepte les articles rédigés en français, anglais, italien et espagnol.

Retrouvez les appels à contribution (anglais, français, espagnol, italien) et toutes les informations sur le site web de la revue : https://journals.openedition.org/trans/

 

[1] GLISSANT, Édouard, Philosophie de la relation : poésie en étendue, Paris, Gallimard, 2009, p. 45.

[2] GLISSANT, Édouard, Tout-monde, Paris, Gallimard, 1995.

[3] SPIVAK, Gayatri Chakravorty, Death of a Discipline, New York, Columbia University Press, 2003.

[4] GLISSANT, Édouard, Introduction à une poétique du divers, Paris, Gallimard, 1996.

Call for papers for the 24th issue of TRANS-: “Insularities /Archipelagos”

In Philosophie de la Relation (Philosophy of Relation), Édouard Glissant defines archipelagic thinking as hesitant intuitive thinking that can be opposed to continental ways of thinking, which above all rely on systems:

"With continental thinking, the mind runs with audacity, but we then believe that we see the world as a block, or at large, or at once, as a kind of imposing synthesis, just as we can, by way of general aerial views, see the configurations of landscapes and mountainous areas as they pass by. With archipelagic thinking, we get to know the rocks in the rivers, assuredly the smallest rocks and rivers".[1]

Within a globalized context, Édouard Glissant’s “one-world” can only be the network of its worlds[2]: the archipelagic relation cannot therefore happen without the narrative reconfiguration of the world, and this reconfiguration must necessarily occur through an ethics of the relation to the other. The opposition between “the continent” (figure of totality) and the “island” (open figure of fragmentation) implies considering the relation in its totality, on the physical, linguistic, intellectual and cultural levels. Between distance from the other (and placing value on this distance as constitutive of a radical identity) and relation, can the metaphor of insularity also allow for the construction of a comparative ethics of relation?

Indeed, with both diachronic and synchronic dynamics, comparatism is truly a “hermeneutics of defamiliarisation” – in the words of Françoise Lavocat following the publication of Death of a Discipline by Gayatri Chakravorty Spivak[3]. Insularities constitute a major issue in our discipline, which is strongly influenced by the questions of both heteroglossia and subalternity. Considering insularity means thinking about distance, the attention we give to isolation – as a critical approach to our own reflexive position – ; but also questioning the metaphoric status of the shores that surround the island and of insular ensembles. What movements? What stases? Can islands still be put in relation?

This call for papers of the journal Trans- proposes to go beyond the analysis of the works of Édouard Glissant, and to envision notions of insularity and of archipelagos as tools for analysis and of critical methodology in comparative literature. If Édouard Glissant laid out the notion of archipelago as the refusal of all “system thinking”[4], it is because the archipelago allows us to think through plurality and diversity and to take into account different insularities. It is because Glissant’s use of the metaphor of insularity functions to put in contact a plurality of worlds that archipelagic thinking can also contribute to epistemological considerations on the stakes of comparatism.

In this issue of the journal Trans-, it will be a matter not so much of studying glissantian archipelagoes in their thematic or symbolic dimensions, as of considering what the concept of archipelagic relation can do for the discipline of comparative literature, in analyzing the ramifications and the becomings of this concept in key texts and positions. Contributors to this issue are therefore invited to connect and disconnect the questions raised by the notions of insularity and archipelago, to be considered less as thematic and metaphorical ideas in literary works than as tools for analysis and of critical methodology for our discipline. We will in this way attempt to consider the ways in which the image of insularity/ies can inform our position as researchers in comparative literature.

Proposals for articles (3000 characters), along with a brief bibliography and short presentation of the author must be sent before May 19th 2019 in .DOC or .RTF format to lgcrevue@gmail.com. The articles selected must be submitted by September 15th 2019. We remind you that the journal of comparative literature TRANS- accepts articles written in French, English, Italian and Spanish.

 

[1] Our translation. “Par la pensée continentale, l’esprit court avec audace, mais nous estimons alors que nous voyons le monde d’un bloc, ou d’un gros, ou d’un jet, comme une sorte de synthèse imposante, tout à fait comme nous pouvons voir défiler par des saisies aériennes les vues générales des configurations des paysages et des reliefs. Par la pensée archipélique, nous connaissons les roches des rivières, les plus petites assurément, roches et rivières.” GLISSANT, Édouard, Philosophie de la relation : poésie en étendue, Paris, Gallimard, 2009, p. 45.

[2] GLISSANT, Édouard, Tout-monde, Paris, Gallimard, 1995.

[3] SPIVAK, Gayatri Chakravorty, Death of a Discipline, New York, Columbia University Press, 2003.

[4] GLISSANT, Édouard, Introduction à une poétique du divers, Paris, Gallimard, 1996.