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Clownstorming. De l'ambivalence clownesque dans les cultures et pratiques contemporaines (Nancy)

Clownstorming. De l'ambivalence clownesque dans les cultures et pratiques contemporaines (Nancy)

Publié le par Romain Bionda (Source : Matthieu Freyheit)

Clownstorming

De l’ambivalence clownesque dans les cultures et pratiques contemporaines

Jeudi 8 et vendredi 9 juin 2017

 

Université de Lorraine, Nancy

Laboratoire Littératures, Imaginaire, Sociétés (LIS – E.A. 7305)

 

« J’ai un gros nez rouge, des traits sur les yeux… » Nous serions tous capables, pense-t-on, de reconnaître un clown lorsqu’il se présente à nous. Nous n’envisagions cependant pas que la panoplie populaire de ce farceur grimé allait intégrer l’attirail du criminel qui, depuis quelques décennies, œuvre dans la fiction à coups de dents et de tranchants, tandis que dans les villes de France ou du Canada, des clowns sèment la panique. Mais l’habit fait-il le clown ? Car si le nez rouge est bien « le plus petit masque du monde », comme le soulignait Jacques Lecoq, on a tôt fait d’être un clown, ou de cesser d’en être un, faisant de cette figure de la réversibilité quasi instantanée un singulier avatar de nos identités postmodernes.

            De fait, le clown n’est pas mort. Certes Fellini a-t-il mis en scène la mort du clown (I Clowns, 1970) dans un dernier tour de piste infernal et vertigineux, mais le même film manifeste la persistance des figures clownesques et leur capacité de débordement du cadre du cirque canonique qui les a accueillies de manière privilégiée pendant quelque temps. Les clowns, dès lors, sont partout : dans les lieux de spectacles (scènes théâtrales, cirques), dans divers lieux de la vie publique (hôpitaux, congrès et séminaires), dans les fictions de grande audience, qu’elles soient cinématographiques et télévisuelles, où le clown est devenu une figure récurrente des fictions d’horreur et des fictions policières (mais pas seulement : on pense, par exemple, au Krusty de Matt Groening). Personnage de la licence, le clown semble propre à une esthétique du débordement médiatique, ainsi que du basculement, du borderline que le passage à l’acte criminel permet de cristalliser : il y aurait, peut-être, un complexe du clown comme il y a un complexe du loup-garou (Denis Duclos, 1994).

            Ces épiphanies clownesques contemporaines renvoient donc à deux visages contradictoires de la figure du clown. D’une part celui-ci est pensé comme une figure salutaire, dont la fragilité lui permet de se mettre en lien privilégié avec la vie et le rend capable d’apporter un supplément d’âme souvent appelé poésie. Capable, aussi, d’apporter un désordre salvateur et finalement humain dans des systèmes clos : c’est le sens du travail des clowns hospitaliers, des clowns intervenant dans des rencontres professionnelles, des démarches de développement personnel liées au clown. Autant de démarches qui traversent le cirque contemporain (Qui sommes-je ?, créé par Ludor Citrik en 2012, met en scène le conflit entre l’auguste et un système qui cherche à écraser les singularités). C’est aussi le propos du clown Slava Polunin, dont le spectacle Slava’s Snowshow connaît un succès international depuis 1993, et qui vise, selon l’artiste, à « inspirer aux gens l’envie de tout faire avec joie ». La clownerie tient-elle du remède ? Si oui, il nous appartient de nommer les maladies pour lesquelles nous pouvons nous administrer une dose de clown... D’autre part, au contraire, le clown est lié à l’inquiétude et au crime. Depuis Poltergeist (Tobe Hooper, 1982) avec sa marionnette de clown infanticide et Ça (Stephen King,1986, et l’adaptation audiovisuelle de Tommy Lee Wallace, 1990), le clown émarge à la liste du personnel régulier des fictions de l’horreur et/ou de l’étrange. Des productions récentes attestent de la vitalité du clown criminel dans les imaginaires contemporains : American Horror Story, saison 4 : Freak show (2014), Clown de Jon Watts (2014), mais aussi le Joker de Batman. Le masque de clown devient un accessoire typique du tueur, qu’il soit sériel ou occasionnel – un tueur grimé en clown sévit déjà dans un épisode d’Amicalement vôtre. A l’automne 2016, les rumeurs liées à des clowns criminels se multiplient. Les clowns font rage : s’ils ne sont pas morts, ils tuent – ou, du moins, l’imaginaire fait d’eux des figures très volontiers malfaisantes. La coulrophobie a de beaux jours devant elle.

            Le colloque propose d’interroger cette ambivalence de la figure clownesque dans les pratiques et les imaginaires contemporains, aussi bien dans les pratiques scéniques que dans les fictions romanesques ou audiovisuelles. Ces deux visages, celui du clown salvateur et celui du clown tueur, peuvent-ils, doivent-ils être reliés l’un à l’autre, ou relèvent-ils au contraire de procédures nettement différenciées ? Les études rendant compte d’un de ces visages du clown en particulier sont les bienvenues, de même que les propositions visant à expliquer comment une figure de la détente et du divertissement peut devenir une figure de l’inquiétude. Tout clown est-il ambivalent ? Il nous appartient par ailleurs d’interroger les concepts actualisés par le clown. Les questions du masque et de l’accessoire permettent d’envisager le clown comme porteur d’un discours sur le simulacre et sur la (dis)simulation, mais aussi sur le crédit accordé à la fiction du costume, une feintise comique semblant ici se jouer de notre feintise ludique.

 

Modalités de soumission : Des propositions émanant de spécialistes en littérature, comparatisme, arts visuels (cinéma, théâtre, cirque, peinture, bande dessinée, albums), études culturelles, cultures de jeunesse etc. sont les bienvenues, le projet s’inscrivant dans une perspective pluridisciplinaire. Les professionnels de la pratique clownesque sont également invités à partager leur expertise.

Les propositions, d’une quinzaine de lignes environ et suivies de quelques lignes de présentation de l’auteur, sont à envoyer pour le 31 janvier 2017 aux deux adresses suivantes : yannick.hoffert@univ-lorraine.fr et matthieu.freyheit@gmail.com.

 

Comité scientifique

Benoît Barut (Université d’Orléans)

Nathalie Conq (Institut Européen de Cinéma et d’Audiovisuel, Université de Lorraine)

Antonio Dominguez-Leiva (Université du Québec à Montréal)

Florence Fix (Université de Rouen-Normandie)

Matthieu Freyheit (Université de Lorraine)

Yannick Hoffert (Université de Lorraine)

Sébastien Hubier (Université de Reims)

 

Organisation : Yannick Hoffert, Matthieu Freyheit, LIS (E.A. 7305)