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Le sacré & le profane dans la bande dessinée (Montréal)

Le sacré & le profane dans la bande dessinée (Montréal)

Publié le par Perrine Coudurier (Source : CRAS)

Colloque

Le sacré & le profane dans la bande dessinée

 

Chercheurs, créateurs et autres amateurs de bandes dessinées, nous vous invitons dès aujourd’hui à nous soumettre vos propositions de communication pour la cinquième édition du CRAS (ou Colloque de recherche en arts séquentiels), intitulée Le sacré et le profane dans la bande dessinée, qui sera présentée le samedi 20 mai 2017 dans le cadre de la programmation de Mai, mois de la BD du Festival BD de Montréal.

Cette édition spéciale sera notamment l’occasion de célébrer cinq années de réflexions et de discussions cordiales autour du 9ᵉ art; nouveaux venus et « récidivistes » sont les bienvenus!

Comme l’indique son titre, ce colloque sera également l’occasion d’explorer les notions de sacré et de profane dans la bande dessinée.

Tel que nous l’entendons, le sacré englobe bien sûr ce qui se rapporte au divin, au culte ou à la liturgie, mais peut aussi renvoyer, par analogie, à ce qui mérite un respect absolu, à ce que l’on tient pour intouchable.

Le profane, quant à lui, peut être compris comme ce qui est simplement dénué de caractère divin (l’humain, le terrestre) ou comme ce qui porte atteinte au divin (l’impie, le sacrilège). Le profane peut également désigner celui qui ne fait pas partie d’un groupe ou qui est considéré comme un non-initié.

Nous vous invitons à étudier ces notions dans la bande dessinée sous leur aspect thématique, technique ou social (votre réflexion pourra être bien campée dans un de ces aspects ou se situer à leur confluent).

Ci-dessous, nous proposons quelques pistes de réflexion par rapport à chacun de ces aspects.

 

Aspect thématique

De nombreux auteurs de BD accordent une place privilégiée au sacré dans leur œuvre. On peut penser, notamment, à Philippe Girard (La grande noirceurTuer Vélasquez) ou à Craig Thompson (Blanket, Habibi). Mais comment la religion est-elle représentée dans ces œuvres? Traite-t-on de la même manière des religions avérées et de celles inventées dans les bandes dessinées (panthéons fictifs, reliques imaginaires, lieux saints hors de ce monde)? Traite-t-on surtout du surnaturel (des dieux, des miracles) ou d’aspects liés au quotidien de l’institution religieuse? Même lorsqu’on s’inspire directement de la Bible — comme chez Chester Brown (Mary Wept Over the Feet of Jesus) —, les représentations religieuses sont souvent iconoclastes. Mais comment s’articule le dialogue entre le discours religieux et l’irrévérencieux? Qu’est-ce qui constitue un tabou (réel ou inventé) et comment celui-ci est-il abordé (franchement ou par le revers)? Quels effets créent ces tabous, à l’intérieur ou à l’extérieur de la diégèse?

Le procès de la Grande Mosquée de Paris contre Charlie Hebdo en 2006 puis l’attentat du 7 janvier 2015 offrent un exemple saisissant de ce qui peut se produire lorsque ce qui est sacré pour un groupe (la religion, les idoles religieuses) entre en opposition avec ce qui est sacré pour un autre (la liberté d’expression, l’humour « bête et méchant ») ou, autrement dit, lorsque ce qui est sacré pour un groupe est blasphématoire pour l’autre. On pourrait entre autres analyser, à ce sujet, les réflexions que propose Joann Sfar dans ses carnets et, plus précisément, dans Greffier, réalisé durant le procès de 2006.

On pourrait aussi s’intéresser aux croyances alternatives ou à la place de l’occulte dans la bande dessinée (particulièrement présente dans le comic, notamment chez Alan Moore et Grant Morrison).

 

Aspect technique

Quelles conventions graphiques servent à dénoter le sacré? Sont-elles les mêmes que celles d’autres formes d’arts (par exemple, l’auréole, la dorure ou les proportions des personnages dans la peinture du Moyen âge)?

Dans un sens plus large, qu’est-ce qui constitue, en bande dessinée, une profanation? Le plagiat, la parodie et le détournement profanent-ils leur hypotexte? À quel point une réédition peut-elle différer de la version originale sans s’attirer les foudres des lecteurs (on pense notamment aux nouvelles couleurs de la réédition de The Killing Joke)? La réédition de bandes dessinées pour des raisons politiques est aussi à considérer (celle de Tintin au Congo ou celle de Lucky Luke où la cigarette du héros est remplacée par une brindille de foin afin de ne pas donner un mauvais exemple). Qu’en est-il des modifications apportées aux superhéros, à leur apparence (nouveaux costumes) et à leur identité (changements de sexe, d’âge ou d’origine ethnique), qui enchantent les fans plus progressistes et outragent les plus conservateurs? Ces changements corrigent-ils un manque de diversité pernicieux, ou font-ils offense à un canon pratiquement déifié? Les modifications apportées pour la série Before Watchmen en sont un bel exemple car, lorsque DC a tenté de reprendre les personnages de Watchmen pour ce récit d’origines, les lecteurs ont crié au scandale parce qu’on touchait à un canon. Leur mécontentement est d’autant plus intéressant parce qu’Alan Moore avait lui-même repris des personnages de Charlton Comics acquis par DC et les avait faits siens pour créer Watchmen.

À quel point les bandes dessinées qui reprennent des franchises (Buffy the Vampire SlayerGI JoeGhostbustersStar TrekStar Wars, etc.) sont-elles fidèles (ou infidèles) aux films ou aux téléséries dont elles sont les continuations? Qu’est-ce qui explique que certaines de ces œuvres feront partie du canon (comme Buffy the Vampire Slayer, saisons 8 à 11) tandis que d’autres sont reléguées au non-canon (comme Star Wars Legends)?

 

Aspect social

Pour les collectionneurs, certaines bandes dessinées sont comme des reliques. Que peut-on dire de l’engouement pour les dessins originaux, les premières éditions, les éditions limitées (variant covers), les copies autographiées? D’un autre côté, il est possible de s’intéresser aux bandes dessinées qui rompent avec le format traditionnel et sacré du livre standard comme Building storiesLa grande guerre de Joe Sacco, ou Un Cadeau de Ruppert et Mulot, dont la lecture entraîne nécessairement la destruction de l’ouvrage (un pied de nez intéressant aux collectionneurs qui sont donc obligés d’acheter deux exemplaires, un à lire et un à posséder dans leur bibliothèque).

La révolution numérique a mis en évidence l’attachement profond de nombreux amateurs de bande dessinée pour l’objet livre dans sa matérialité (plaisir de la manipulation, grain et odeur du papier, notion de rareté et valeur marchande), attachement allant parfois jusqu’à un certain fétichisme. La création ou la diffusion sur support numérique affecte-t-elle l’« âme » de la bande dessinée (ou son « aura », pour reprendre les termes de Walter Benjamin)?

En plus de ses lieux de pèlerinage (Angoulême, Bruxelles) et de ses reliques, la bande dessinée possède également ses personnages cultes qui forment, en quelque sorte, un panthéon du 9ᵉ art (Tintin, Corto Maltese, Lucky Luke) et ses monstres sacrés (Moebius, Hergé). À quelles conditions ceux-ci ont-ils gagné un tel respect?

Dans le cas de Hergé et de Tintin, on pourrait également parler de la « gardienne du temple » qu’est la Fondation Moulinsart, une société de droit chargée de l’exploitation de l’œuvre d’Hergé, reconnue pour être particulièrement agressive quant à la protection des droits de reproduction, et qui a dernièrement eu quelques démêlés avec des communautés de tintinophiles. Quel impact un tel contrôle a-t-il sur l’héritage d’une œuvre?

On pourra également se demander si certains auteurs de bande dessinée ont été « excommuniés ». Par exemple, Roc Upchurch, le co-créateur de Rat Queens, a été retiré de la série après qu’il ait été accusé de violence conjugale, puis il a été réintégré à la série, au grand déplaisir de certains fans. Qui décide de l’opprobre que subira un artiste et quels sont les motifs généralement invoqués?

Il y aura lieu de s’intéresser à la religion à l’intérieur de la bande dessinée, mais aussi à la bande dessinée à l’intérieur de la religion. Les scènes gravées sur les portes des églises ou montées sur les vitraux sont parfois considérées comme des proto-BD (McCloud, Blanchard). Elles sont, à tout le moins, des histoires évoquées par une suite d’images solidaires.

Quelle a été l’influence de la religion et des institutions religieuses sur la création (ou la censure) de bandes dessinées à travers l’histoire? Dans les années 1920, la BD québécoise se développe sous la tutelle du clergé, qui y voit un média privilégié pour informer et divertir une population peu scolarisée. Même chose après la guerre en France, où l’Église investit dans la création de magazines illustrés pour s’adresser à la jeunesse, mais également pour combattre l’impérialisme américain. Comment cette implication des institutions religieuses se ressent-elle sur le contenu des bandes dessinées? Quel rôle tient le puritanisme religieux dans la fondation, en 1948, du Comics Code Authority?

 

Pour participer

Nous vous invitons à nous envoyer une proposition de contribution d’ici le lundi 23 janvier 2017 au info@cras.quebec, dans laquelle vous vous présentez brièvement et exposez — en trois cents à cinq cents mots — votre problématique.

Cette dernière devra mettre en évidence 1. quel rapport l’objet de votre réflexion entretient avec la thématique du colloque, 2. quelles questions suscite cet objet, 3. au moyen de quelle hypothèse vous souhaitez répondre à ces questions et 4. par quels moyens vous souhaitez vérifier cette hypothèse.

Veuillez indiquer clairement le titre de votre communication, ainsi que les œuvres sur lesquelles vous souhaitez travailler.

Votre proposition sera soumise anonymement à notre comité scientifique, qui l’évaluera en fonction 1. du respect de la thématique du colloque, 2. de la qualité de votre argumentation et 3. de la qualité de votre expression écrite.

Si votre proposition est retenue, vous disposerez, le jour du colloque, de vingt minutes pour présenter votre communication et de dix minutes pour répondre à des questions.

Le colloque aura lieu à Montréal ; nous préciserons où exactement aussitôt que possible.

Nous espérons que vous répondrez à cet appel et que nous aurons l’occasion de vous entendre le samedi 20 mai 2017 !

Pour obtenir plus de renseignements, contactez-nous au info@cras.quebec et consultez notre site internet au cras.quebec, ainsi que notre page Facebook au www.facebook.com/cras.quebec.

Très cordialement,

Le comité organisateur du CRAS

Anthony Charbonneau Grenier, étudiant à la maîtrise en lettres à l’Université Laval
Florence Grenier-Chénier, enseignante de littérature au Collège de Maisonneuve
Mathieu Laflamme, étudiant au doctorat en études et pratiques des arts à l’Université du Québec à Montréal
Marilyn Lauzon, enseignante de littérature au Collège Lionel-Groulx