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De l’esthésiologie. La réappropriation du sensible et du sensoriel dans la littérature et les arts des XXème et XXIème siècles (Louvain-la-Neuve)

De l’esthésiologie. La réappropriation du sensible et du sensoriel dans la littérature et les arts des XXème et XXIème siècles (Louvain-la-Neuve)

Publié le par Philippe Robichaud (Source : Corentin Lahouste)

La réappropriation du sensible et du sensoriel dans la littérature et les arts des XXème et XXIème siècles

COLLOQUE JEUNES CHERCHEURS

« Tout commence par la sensation. Aucune idée innée, aucun sens intime, aucune conscience morale ne préexistent dans l’être à l’assaut des choses », note Jean-Pierre Richard dans Littérature et sensation, tandis que Rousseau alléguait dans ses Confessions :  « Les climats, les saisons, les sons, les couleurs, l’obscurité, la lumière, les éléments, les aliments, le bruit, le silence, le mouvement, le repos, tout agit sur notre machine et sur notre âme par conséquent ». Rarement pris en compte dans les études littéraires en raison d’un contexte où le cartésianisme et l’idéalisme prédominaient, le sensible et la sensorialité connaissent actuellement un regain d’intérêt.

Provenant du grec αἴσθησις (aísthesis) - « sensation » - associé à λόγος (logos) - « parole, discours » -, l’esthésiologie se rapporte à ce qui traite des sensations ou des sentiments, à ce qui se réfère au vécu sensible et à sa mise en discours. Elle constitue dès lors le point de rencontre entre l’intime et l’extime, ces deux pôles majeurs du sensible. En effet, ce dernier peut être compris autant comme le monde extérieur, le dehors, dans sa pluralité : animal, végétal, mais aussi objectural et inorganique, que comme ce qui concerne la dimension affective et perceptive de l’être humain.

L’objectif poursuivi par le colloque ne vise pas une délimitation du terme sensible. Toute tentative de sa circonscription semble vouée à l’échec : ses frontières sont mouvantes, difficiles, voire impossibles à borner. Comme l’écrit Rilke (Elégies de Duino, quatrième élégie, trad. Lorand Gaspar), « Nous ne connaissons pas le contour du sensible : seulement ce qui du dehors le façonne ». Il s’agira dès lors plutôt de :

- creuser l’enjeu politique qui peut être rattaché au sensible, dans la lignée des réflexions de Rancière (Le partage du sensible. esthétique et politique ; La chair des mots. Politique de l’écriture), d’Agamben (Moyens sans fins ; L'Usage des corps ; La Puissance de la pensée ; L’ouvert) et d’Esposito (Catégories de l’impolitique ; Communauté, immunité, biopolitique), notamment ;

- investiguer différentes « esthétiques du sentir » (Maldiney) et philosophies de la perception sensorielle (lien par exemple aux situations-limites telles que la surdité, la cécité, etc.), afin de voir dans quelle mesure une telle approche permet de toucher aux limites de concepts tels que, par exemple, la synesthésie ;

- questionner les modalités de la création du sensible, observer comment l’art et la littérature ont pu approcher et se confronter au sensible, comment ils ont pu donner une voix, une parole, à ce « monde muet » (Ponge) qu’il constitue, soit en s’y cognant - car il est brut -, soit en le déployant - à partir de sa modalité informe ;

- saisir comment, par le truchement du sensible, l’art et la littérature permettent non seulement d’ouvrir l’existence humaine, en faisant « vibrer quelque aspect privilégié ou inaperçu de l’expérience » (Dewitte), mais aussi d’aiguiser les mécanismes d’appréhension sensorielle du monde.

Autour d’une logique et d’une dynamique de la rencontre - car suivant la perspective développée par Deleuze ou Maldiney entre autres, sentir est avant tout rencontrer - qui peut s’opérer soit sur le mode du dialogue, d’une certaine aménité, soit sur celui de la confrontation, du dissensus (Rancière), on mettra en lumière la manière dont les mises en forme littéraires et artistiques, qui valorisent une appréhension du monde investie et singulière, permettent de se réapproprier le sensible et, à l’avenant, la sensorialité, dans un monde régi par l’économique et les discours dits “d’efficacité” (médiatiques, technocratiques, administratifs, publicitaires, etc.) qui canalisent, normatisent, contrôlent.

Dans le cadre de ce colloque, nous favoriserons une approche plurielle du concept d’esthésiologie et de la perspective que nous esquissons ici. Nous ne souhaitons pas nous restreindre à un parti-pris théorique spécifique ou à une école de pensée particulière. Les propositions de communications concerneront les domaines des littératures francophones, de la théorie littéraire, des études culturelles et des arts. Une attention particulière sera portée aux arts et littératures hypermédiatiques (numériques), en cela qu’ils représentent actuellement une des formes artistiques les plus foisonnantes en expérimentations en raison de leur relative nouveauté et de leur institutionnalisation quasi inexistante.

Sans constituer une liste exhaustive ou restrictive, les sujets, axes de réflexion et approches suivant(e)s pourraient être abordé(e)s :

- Théorie des affects et des émotions ; le pathique, l’esthésique

- Politique de l’art et de la littérature

- Les esthétiques des « sentirs corporels » autres que le visuel (i. e. l’haptique, l’auditif)

- Les imaginaires et représentations du corps et de la corporéité

- L’écopoétique

- Le rapport intime/extime, mais aussi forme/informe

- La tension matériel/immatériel

- Le multiple, l’hétérogène, le mobile, l’intotalisable

- L’expérience de l’incontrôlable, de la perte de repères, du non-savoir

- ...

Le colloque sera organisé autour de panels de conférencier•e•s présentant des communications de 20 minutes, chacune suivie d’une période de questions.

L’une ou l'autre intervention (performance) artistique est également prévue.

Les propositions (titre et résumé, entre 250 et 500 mots), accompagnées d’une notice biobibliographique, sont attendues pour le mercredi 31 mai 2017 et doivent être transmises à Corentin Lahouste (corentin.lahouste@uclouvain.be) et à Charline Lambert (charline.lambert@uclouvain.be). Les personnes dont la proposition aura été retenue seront recontactées début juillet 2017.

Le colloque proprement dit aura lieu les 15 et 16 mars 2018.

Les frais de déplacement et de logement sont à charge des participant·e·s.

Une publication des actes de la journée est apriori prévue.