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Numéro 9 de la revue ELFe XX-XXI,  2020 : 

Numéro 9 de la revue ELFe XX-XXI, 2020 : "Dire et lire les vulnérabilités contemporaines"

Publié le par Université de Lausanne (Source : Marie-Helene BOBLET)

Numéro 9 de la revue ELFe XX-XXI,  2020

Dire et lire les vulnérabilités contemporaines 

 

PRÉSENTATION

Dans les années 1990/2000, à mesure que s’accroissait « la société du risque » (Beck, 1986), le concept de vulnérabilité a émergé dans différents champs, des sciences humaines et sociales au droit pénal et civil. Porté par la fin des « grands récits », la crise de l’idée émancipatrice du Progrès, il coïncide avec un nouveau régime d’historicité, fait d’une extrême incertitude à l’égard d’un présent de plus en plus instable et d’un avenir de moins en moins prévisible. Alors que la grille interprétative des Trente Glorieuses portait essentiellement sur la capacité des individus, leur autonomie et leur responsabilité, l’approche des difficultés existentielles par une notion qui ne relève ni d’une ontologie de la personne ni d’une pensée de la maîtrise présuppose d’envisager un mode relationnel d’interdépendance qui excède les relations verticales de domination et les rapports horizontaux de désaffiliation.

 La notion de vulnérabilité qui s’est imposée à la fin du XXe siècle offre une vision élargie des multiples sources de fragilité, outre les privations matérielles, la précarité ou l’exclusion. Par-delà les guerres, le chômage de masse ou les déviances de la démocratie néo-libérale, elle s’ouvre à l’inquiétude du sujet à la fois intime et social, affectif et affecté, confirmant l’attention nouvellement portée à l’endroit des émotions.

Face à ces situations souvent complexes, les mises en récit et les mises en scène d’atteinte à l’intégrité, à la santé, à la sécurité ou à la dignité inscrivent dans l’espace de l’art, après les vies illustres et les vies minuscules, les vies vulnérables. En les présentant au lecteur ou au spectateur, elles les intègrent au sein des vies qui comptent (Butler, 2004). Parallèlement, la mise en péril du sujet en appelle à un dire poétique où s’expriment l’épreuve de la blessure et le partage d’une faillibilité. En ouvrant l’œil et l’esprit sur la dépendance des sujets à l’égard de situations contingentes - qu’elles soient sociales, géographiques, psychologiques -, des œuvres et des textes présentent/disent des cas singuliers et néanmoins universels de vulnérabilité. Ce faisant, elles mettent aussi à l’épreuve les normes de nos jugements (Nussbaum, 1986, 1990), et notre capacité d’empathie.          

Dire et lire les vulnérabilités contemporaines : le titre choisi pour ce numéro rappelle qu’on n’envisagera pas l’anthropologie de la vulnérabilité, mais les actuelles mises à l’épreuve de la capabilité des hommes. Il appelle plusieurs types d’analyse.

D’une part on peut questionner les modalités de voilement et de dévoilement de ces vulnérabilités, la nature esthétique des formes, plus discordantes que concordantes, qui accueillent le sentiment de la fragilité, et des dispositifs de fiction ou de diction aptes à faire apparaître des situations datées et situées. On pourra par exemple, dans le sillage de Richard Sennett (1999), se demander ce qui donne la possibilité de dire ou de représenter une expérience de vulnérabilité. Sur quelle pratique peut-on se fonder? Comment se vérifie l’adéquation entre une forme et un contenu (Bakhtine), entre une langue et un contexte ?

La vertu expérientielle des textes mériterait aussi d’être interrogée. Dans l’anthropologie de Ricoeur relisant Aristote, l’homme vulnérable est, en tant quanimal mimétique et sujet imaginant, un homme capable. La puissance de symbolisation fonde les stratégies littéraires propres à favoriser la ré-élaboration de la subjectivité au moyen de formes de projection et d’identification. Quelles sont les conditions de possibilité d’un partage sensible ouvert à la ré-élaboration du rapport intersubjectif, éphémère et provisoire, des puissants et des faibles, des potents et des faillibles, tous potentiellement également vulnérables ? Comment la fable et la métaphore peuvent-elles exercer une force de proposition qui s’oppose, riposte et résiste aux fêlures produites par une société vulnérabilisante ?

Enfin, on pourra se demander si reconnaître, à distance et stylisées, des situations vulnérabilisantes permet d’user de l’œuvre d’art comme d’« une aire intermédiaire d’expérience » (Winnicott, 1971), d’apprivoiser l’inquiétude, de soulager la tension induite sur l’individu par la réalité, et ce faisant de renforcer ses défenses. Dire et lire les vulnérabilités contemporaines, ou comment répondre à des failles par des formes…

Les propositions d’une vingtaine de lignes accompagnées d’une courte notice biobibliographique sont à envoyer avant le 8 juillet 2019 à anne.gourio@unicaen.fr et à marie-helene.boblet@unicaen.fr

Remise des articles (entre 30000 et 35000 signes) : 15 avril 2020.