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"Entre histoire et littérature en Amérique latine du XIXème à nos jours" (Poitiers)

Publié le par Olivier Belin (Source : Cécile Quintana)

JOURNEE D’ETUDES DES DOCTORANTS CRLA-Archivos

 

Entre histoire et littérature en Amérique latine du XIXème siècle à nos jours

30 avril 2018, MSHS de Poitiers

contacts : maite.abadie@univ-poitiers.fr; sarah.porcheron@univ-poitiers.fr

Peut-on imaginer des textes qui soient à la fois de l’histoire et de la littérature ? L’idée que l’on reprend ici est celle d’Ivan Jablonka qui indique dans son œuvre, L'histoire est une littérature contemporaine. Manifeste pour les sciences sociales (2014), que l’écriture de l’histoire n’est pas seulement une technique (annonce de plan, citations, notes de bas de page), mais un choix. Le chercheur se retrouve alors face à une « possibilité d’écriture » et une « possibilité de connaissance»; la littérature est dotée d’une aptitude historique, sociologique et anthropologique (Jablonka, 7).

Pourquoi commencer au XIXème siècle ? En Amérique latine, le XIXème siècle marque la naissance des jeunes nations de même que la recherche d’une identité propre dont l’affirmation est passée, entre autres, par l’écriture. Si l’on prend le cas du roman, comme le souligne Doris Sommer, on note dans Ficciones fundacionales : las novelas nacionales de América latina (2004) qu'il s’est développé simultanément à l’histoire patriotique. Le concept de « roman national » en Amérique latine fait référence au livre en tant que témoignage privilégié de l’histoire locale. Le roman est un exemple parmi d’autres des interrelations entre littérature et histoire. Fort est de constater que les romans nationaux du XIXème siècle ont procédé à une réécriture de l’histoire et constituent de précieux indicateurs de l’imaginaire de l’époque en raison de leur tendance à être plus « projectifs » que fidèles aux évènements (Sommer, 20-21).

À l’époque d’Aristote, l’histoire faisait partie de la poétique, c’est-à-dire de ce qui relève de la littérature. De la même façon, la littérature peut s’envisager de trois façons : comme source, comme monde social et comme pratique d’écriture. La fonction de la littérature comme source est la plus ancienne. À la fin du XVIIIème siècle, se consolide une génération d’auteurs décrivant de façon très précise leurs sociétés - annonçant le réalisme du XIXème siècle - qui fait des livres les bases de référence principales, comme on peut le remarquer chez Balzac ou Zola, en France, ou avec le roman de peinture de mœurs, El periquillo sarniento de José Joaquín Lizardi, au Mexique.

L’historiographie du XIXème siècle en Amérique latine se nourrit, à ses débuts, de la littérature comme point de départ pour composer une histoire nationale. Par exemple, au Mexique, on peut se référer à l’œuvre de Conrado Gilberto Cabrera Quintero, La creación del imaginario indio en la literatura qui rompt avec les méthodologies traditionnelles de recherche historique. Par exemple, dans cette œuvre, l’accent est mis sur l’importance des lettrés au XIXème siècle et sur l’idée que l’on se faisait de l’indien. L’œuvre amplifie les connaissances historiques et littéraires sur le XIXème siècle aidant ainsi à comprendre la complexité du Mexique contemporain. Comme Quintero le dit lui-même dans son prologue:

La idea central de este trabajo es mostrar cómo los literatos mexicanos del siglo XIX, a través de sus obras, construyeron el imaginario de lo indio y del indio, por encima de sus diferencias políticas, sociales religiosas e incluso filosóficas, con la evidente finalidad de conformar un sustento más de la identidad nacional[1]. (Quintero, La creación del imaginario indio en la literatura 10)

La littérature, qui joue par définition avec les représentations, les conventions et les points de vue, peut faciliter la compréhension d’un contexte socio-culturel précis et refléter un mode de pensée caractéristique de telle ou telle époque. Elle peut donc constituer pour les historiens une source mais aussi un objet social. Depuis Aristote, l’histoire littéraire a représenté l’histoire des idées ; en ce sens, on peut dire qu’il existe une vision de la littérature qui sert de porte d’entrée à la compréhension de la vie sociale d’une époque. 

Si l’on considère la littérature comme un phénomène historique, qui entre en contact avec des phénomènes sociaux et politiques, on peut voir que, par exemple, littérature et de politique sont très liées, cette dernière traduisant des valeurs, des opinions et des prises de position diverses et contradictoires. Mais on peut aussi estimer que le fait d’opter pour un type d’écrit en particulier pourrait avoir une portée politique. Ainsi, l’écriture est toujours un acte politique (une aporie issue du dogmatisme du New Criticism des années 40 et du structuralisme des années 50), comme le souligne Roman Jakobson, dans What is poetry? (1976), à travers le questionnement de la littérature comme un objet autonome et suffisant à lui-même :

Neither Tynjanov nor Mukaovsk? nor Šklovskij nor I have ever proclaimed the selfsufficiency of art. What we have been trying to show is that art in an integral part of the social structure, a component that interacts with all the others and is itself mutable since both the domain of art and its relationship to the other constituents of the social structure are in constant dialectical flux. What we stand for is not the separatism of art but the autonomy of the aethetic function (377-378).

Nous proposons les axes suivants pour traiter le sujet:

  • Une histoire scientifique au détriment de l’écriture ou une histoire littéraire au détriment de la vérité 
  • Une littérature du réel : une écriture du monde 
  • Une écriture littéraire de l’histoire 
  • Une écriture historique : écrire l’histoire, « parler à travers l’écrit » 
  • Discours officiel et discours oublié

Bibliographie :

Jablonka, Ivan. L'histoire est une littérature contemporaine. Manifeste pour les sciences sociales. Paris: La librairie du XXI siècle, Seuil, 2014.

Sommer Doris. Ficciones fundacionales: las novelas nacionales de América latina. México: Fondo de Cultura económica, 2004.

Quintero, Conrado Gilberto Cabrera. La creación del imaginario indio en la literatura. Puebla: Benemérita Universidad Autónoma de Puebla, 2005.

Jakobson, Roman. What is poetry? Paris : éditions de Minuit, 1976.

Notice bibliographique :

Jablonka, Ivan. L'histoire est une littérature contemporaine. Manifeste pour les sciences sociales. Paris : La librairie du XXI siècle, Seuil, 2014.

Sommer Doris. Ficciones fundacionales: las novelas nacionales de América latina. México: Fondo de Cultura económica, 2004.

Quintero, Conrado Gilberto Cabrera. La creación del imaginario indio en la literatura. Puebla: Benemérita Universidad Autónoma de Puebla, 2005.

Jakobson, Roman. What is poetry? Paris : éditions de Minuit, 1976.

Langues des communications:

Les langues de présentation des communications seront le français, le portugais et l’espagnol.

Date-limite d'envoi des propositions : 8 mars 2018

 

[1] « L’idée centrale de ce travail est de montrer comment les écrivains mexicains du XIXème siècle, à travers leurs œuvres, ont construit l’imaginaire de l’Indien et de ce qui relève de l’indien, par-delà leurs différences politiques, sociales, religieuses et même philosophiques, avec comme fin évidente de former un fondement supplémentaire à l’identité nationale ».