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Existe-t-il une schizophrénie culturelle? (Limoges)

Existe-t-il une schizophrénie culturelle? (Limoges)

Publié le par Marc Escola (Source : Mehdi Alizadeh)

Journée d’études EHIC

Mardi 30 janvier 2018

Faculté des Lettres et des Sciences Humaines – Université de Limoges

Equipe EHIC - Département de Littérature comparée

 

Existe-t-il une schizophrénie culturelle ?

L’objectif de cette journée est de réfléchir autour des enjeux d’une meilleure compréhension de la question de l’identité ; comprendre pourquoi tant de conflits et d’injustices naissent au nom d’une différence de conception de l’identité renforcée par la modernité et ses corollaires.

L’identité reste un terme dont la définition est extraordinairement complexe, insaisissable et mouvante. Essayer de la percevoir uniquement sous sa forme institutionnelle serait l’enfermer dans ce que Claudine Dardy appelle « identités de papiers »[1] figée sur des supports : papier, photo et empreintes digitales. Vision réductrice de l’identité puisque fondée sur des données biologiques de l’individu et sur son histoire. A cause de cette vision étroite, Jean-claude Kaufmann arrive à la conclusion selon laquelle « l’Etat est toujours très mal placé pour parler d’identité »[2]. En effet, l’identité peut varier selon des caractères objectifs (l’appartenance biologique, le milieu social et culturel), les différents contextes que nous traversons tout au long de notre vie (voyage, sport, travail, etc) et les influences dominantes auxquelles nous sommes confrontés (de religion, de genre, de race, etc). Ainsi, Amin Maalouf récuse l'idée que chaque personne naitrait avec une identité figée, originelle, définie une fois pour toute, à laquelle il doit se conformer tout au long de son existence. Au contraire, l'identité de chacun se forme et se transforme tout au long de sa vie en fonction de son entourage, de la société dans laquelle il vit, de ses rencontres, de ses lectures. Face à cette mouvance identitaire, nous sommes confrontés à la lourde question : comment essayer de cohabiter malgré nos différences identitaires ? Comment dépasser ces crispations, ces replis nationalistes ou communautaires et créer les conditions d’un « vivre ensemble » ?

L’utilisation de la violence au nom de la différence n’est pas l’apanage des relations arabo-occidentales, mais concerne le monde tout entier et touche des thématiques aussi diverses que variées. Ainsi se développe une haine contre les homosexuelles, contre les juifs, contre les musulmans, contre les noirs, contre les Roms, et bien d’autres ; des réflexes d’exclusion faisant naître des identités à la fois meurtries et jugées par certains hommes politiques, de « meurtrières ».

L’essai d’Amin Maloof, Les identités meurtrières et l’ouvrage de Daryush Shayegan, Schizophrénie culturelle sont plus que jamais d’actualité. Dans ce sens peut être évoqué le grand débat sur « l’identité nationale » organisé par Eric Besson en 2009, alors Ministre de l'Immigration, de l'Intégration et de l'Identité nationale où se posaient les questions « qu’est-ce qu’être un français aujourd’hui ? «Quel est l'apport de l'immigration à l'identité nationale ? ». Plus récemment encore, aux Etats-Unis avec l’arrivée de Donald Trump au pouvoir, il se pose la question d’assurer la « protection de la nation contre l'entrée de terroristes étrangers » et dans cette logique la signature d’un décret présidentiel controversé refusant l’accès au territoire américain des ressortissants de sept pays, au nom de ce que ces pays sont majoritairement musulmans. Le « MuslimBan » de Trump est une illustration de cette différence porteuse d’incompréhensions et de conflits basés sur des stigmatisations et des stéréotypes.

Nombre de réflexions s’articulent autour de la déterritorialisation (Gilles Deleuze et Felix Guattari, 1972), de la pensée métisse (Gruzinski Serges, 1999), de la littérature-monde (Michel Le Bris et Jean Rouaud, 2007), de la poétique du divers (Edouard Glissant, 1996), de l’afropolitanisme (Achille MBembé, 2010), de l’orientalisme (Edward Saïd, 1978) en vue de définir une trajectoire commune pour l’humanité. En outre, l’ouvrage de Jean-Claude Guillebaud, Le Commencement d’un monde, publié en 2008 concourt à apporter des réflexions sur l’espérance d’un monde nouveau, « en marche vers une modernité métisse ». L’idée de garder un optimisme face aux tensions et surtout à la redéfinition du nouveau monde qui ne « se confond plus avec l’Occident » a le salut de braquer les feux sur la question de la place de tous à l’ère de la mondialisation. Cette perception entre dans le grand cadre des travaux de réflexion sur les interactions culturelles. Aussi, il ne faut pas omettre l’apport inestimable des travaux et théories scientifiques notamment les théories postcoloniales qui par leur caractère interdisciplinaire ont permis d’atteindre tous les horizons et témoignent d’une véritable prise en compte des dangers liés à l’identité.

Ces journées d’étude seront basées sur une approche interdisciplinaire. Les champs de recherches des interventions pourront concerner les arts, la littérature, le cinéma, le théâtre, mais aussi toutes les grandes disciplines des sciences humaines et politiques.

Plusieurs pistes de réflexions sont proposées :

L’hybridité

Les sociétés islamiques face à la modernité

La place des populations dites « minoritaires »

L’afropolitanisme  et l’afropéanisme

Littératures « mineures », littératures « migrantes »

Art et représentation de la diversité culturelle

La déterritorialisation

Le nombrilisme ou le centrisme

La schizophrénie culturelle

Les identités de papiers, les sans-papiers

Cette liste n’étant pas exhaustive, des propositions sur d’autres axes sont les bienvenues.

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Les propositions de communications (350 mots) accompagnées d’une brève notice biobibliographique sont à soumettre en français au plus tard le 15 décembre 2017 à l’adresse (j.etude.identite.ehic@gmail.com).

La journée d’étude se déroulera à la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de l’université de Limoges et les communications, d’une durée de 20 minutes, devront être présentées en français.

Veuillez noter que les frais de déplacement et d’hébergement sont à la charge des participants.

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BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE

 

  • CASANOVA Pascale, La république mondiale des lettres, Paris Seuil, 1999
  • CHAMOISEAU Patrick, Ecrire en pays dominé, Paris, Gallimard, 1997
  • CHEVRIER Jacques, Littérature nègre, Paris, Armand Colin, 1974
  • CONESA Pierre, La fabrication de l’ennemi ou comment tuer avec sa conscience pour soi, Paris, Robert Laffont, 2011
  • DARDY Claudine, Identités de papiers, Paris, Editions Lieu commun, 1991
  • DELEUZE Gilles & GUATTARI Félix, L’Anti – Œdipe, Paris, Editions de minuit, 1972
  • GLISSANT Edouard, Introduction à une poétique du divers, Paris, Gallimard, 1996
  • GRUZINSKI Serges, La pensée métisse, Paris, Fayard, 1999
  • GUILLEBAUD Jean Claude, Le commencement d’un nouveau monde, Paris, Seuil, 2008
  • KAUFMANN Jean-Claude, Identités, la bombe à retardement, Paris, Editions Textuel, 2014
  • LE BRIS Michel & ROUAUD Jean, Pour une littérature monde, Paris, Gallimard, 2007
  • MAALOUF Amin, Les identités meurtrières, Paris, Grasset, 1998
  • MBEMBE Achille, Sortir de la grande nuit, Paris, La découverte, 2010
  • SAÏD Edward, L’orientalisme, L’orient créé par l’occident, Paris, Seuil, 1980
  • SHAYEGAN Daryush, Les illusions de l’identité, Paris, Editions du Félin, 1992
  • SHAYEGAN Daryush, Schizophrénie culturelle : les sociétés islamiques face à la modernité, Paris, Albin Michel, 2008
  • SHAYEGAN Daryush, La lumière vient de l’Occident : le réenchantement du monde et la pensée nomade, La Tour d’Aigues, Aube, 2008.
  • SHAYEGAN Daryush, Le Regard mutilé : Schizophrénie culturelle, La Tour-d’Aigues, Aube, 1996.
  • VINSONNEAU Geneviève, Mondialisation et identité culturelle, Bruxelles, De Boeck, 2012

 

 

[1] Claudine Dardy, Identités de papiers, 1991, Paris, Editions Lieu commun. Ouvrage réédité en 1998 à Paris par L’Harmattan.

[2] Jean-Claude Kaufmann, Identités, la bombe à retardement, 2014, Paris, Editions Textuel, p.12.