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Lieux de spectacles: architectures en devenir (revue Horizons/Théâtre)

Lieux de spectacles: architectures en devenir (revue Horizons/Théâtre)

Publié le par Marc Escola (Source : Sandrine Dubouilh)

Lieux de spectacles: architectures en devenir  

 

APPEL A CONTRIBUTION

Revue  Horizons/théâtres Presses Universitaires de Bordeaux

Parution printemps 2021

 

Le XXe siècle n’a pas été avare de recherches pour réformer l’espace scénique. Portées par des ambitions multiples, relevant de quêtes esthétiques ou politiques notamment, ces expérimentations, souvent laissées à l’état de papier[1], ont puisé leur inspiration dans les formes du passé et/ou des aires géographiques extra-occidentales.

L’équilibre entre prospective et rétrospective est un trait marquant de cette démarche, parfois au prix de l’exactitude scientifique. Parmi les penseurs de la scène théâtrale au XXe siècle, Louis Jouvet occupe de ce point de vue une place intéressante. Acteur, metteur en scène, pédagogue et directeur de théâtre, son intérêt pour la scénographie mais aussi ce qu’il appelait « diagrammes dramatiques » s’est exprimé dans quelques réalisations mais aussi une réflexion théorique sur l’histoire des lieux de spectacles, passée à la postérité par la « théorie des ordres » plusieurs fois publiée et notamment dans la préface au traité de Nicola Sabbatini, Pratiques pour fabriquer scènes et machines de théâtre[2]. S’y dessine une rétrospective schématique des principales configurations identifiées alors, l’ordre « gréco-romain », l’ordre « médiéval », l’ordre « italien » et l’ordre « élisabéthain », une tradition non démentie dans les quelques ouvrages parus ultérieurement sur le sujet, par exemple celui de Gaëlle Breton, Théâtres[3], qui s’ouvre également par une chronologie schématique établissant des typologies d’espace au fil des siècles.

Dès que le principe d’ériger des lieux spécifiques pour le théâtre s’est imposé, la question du modèle à convoquer est apparue, motivant des traités d’architecture. Pierre Patte en 1782[4] s’interroge sur la forme adéquate à donner à la salle de spectacle, déplorant des variations qu’il juge inutilement hasardeuses. Le XXe siècle, tout en abandonnant les traités d’architecture, amplifie cette réflexion, dispersée dans les manifestes, essais, dessins et commentaires, qui tous pointent du doigt des formes et des usages jugés obsolètes. La salle ronde à balcons dite « à l’italienne », modèle dominant d’alors, est désignée responsable de tous les maux : décors académiques sans intérêt, visibilité et confort nuls, ségrégation humiliante du public[5]. Aux nouveaux usages sont associées de nouvelles formes : abolition de la rampe et si possible du cadre de scène, franchissement de la limite scène-salle, vaste gradin image d’un théâtre égalitaire, sans oublier toutes les solutions liées à l’immersion, au mouvement, à l’éphémère etc.

Si le XXe siècle a fait montre d’expérimentations marquantes, quelles sont celles qui ont marqué ce début de XXIe siècle ? Force est de constater que certains lieux qui témoignaient de cet héritage (telle que la salle annulaire mobile de la Maison de la Culture de Grenoble, conçue par Polieri et Wogesnky par exemple) ont disparu. En contrepartie quelles sont les explorations scéniques et dramaturgiques aujourd’hui investiguées[6] ? Quelles dynamiques de recherche et d’expérimentation spatiale mobilisent les programmistes[7], les concepteurs mais aussi les programmateurs et utilisateurs de ces lieux de spectacle ? Dans quelles mesures le modèle dominant est-il aujourd’hui questionné ?

L’objet de ce numéro sera d’explorer l’actualité de la réflexion sur l’architecture théâtrale dans ce qui en constitue le cœur, à savoir le rapport scène-salle, dans les réalisations récentes en France, Europe et au-delà. Les propositions pourront s’attacher à présenter des lieux de spectacle et démarches d’artistes dans une perspective monographique et/ou développer la réflexion selon des axes questionnant :

La commande :

- Quels sont les nouveaux modèles, les territoires d’expérimentations ? Quels programmes autorisent ces expériences du XXIe siècle ? Alors qu’en France les programmes architecturaux sont homogénéisés au profit d’un modèle économique fondé historiquement sur la diffusion des spectacles, qu’en est-il chez nos voisins ? Quelle place pour l’expérience dans un contexte global de restrictions budgétaires susceptible d’avoir un impact tant du côté des conceptions architecturales que des productions scéniques ?

Modèles, spatialité, configurations et proportions :

- La diversité des proportions, dimensions, induisant des rapports et donc des modalités du spectaculaire différents. Des salles de grande envergure ont été élaborées au XXe siècle, il semblerait que l’on revienne à des formats plus conviviaux, mais est-ce réellement le cas ? On pourra aussi s’intéresser ici à des lieux a contrario exceptionnels par leur démesure, tels que le théâtre de Wuhan conçu par Franck Fischer. Ce type de lieu, de même que certaines reconstructions ou réinterprétations de formes théâtrales telles que le théâtre élisabéthain d’Hardelot (Andrew Todd, 2015) sont susceptibles d’activer des réflexions croisées entre rétrospective et prospective. Le Wyly theatre de Rex/OMA à Dallas comme les démarches de Rem Koolhaas /OMA sur les lieux de spectacle présentent une prospective intéressante tant dans les architectures qui sont générées que dans les outils qui y sont développés.

- La question des échanges interculturels et du transfert des modèles. Si le théâtre du XXe siècle en Europe a trouvé matière à se ressourcer dans des formes et pratiques extra-occidentales, comment sont concrétisés aujourd’hui ces échanges dans la réalisation de lieux de spectacles contemporains entre continents et cultures ?

De nouveaux enjeux de société :

- La question de la “transformabilité” et de l’usage multiple à l’heure d’une quête de flexibilité accrue des bâtiments. Dans les années 70, les enjeux de la transformabilité des salles de spectacle se focalisaient sur la scénographie, visant à bouleverser le rapport frontal et à renouveler l’expérience spectatrice.  Qu’en est-il aujourd’hui ? Alors qu’on envisage pour d’autres types de programme des bâtiments réversibles, la transformation ou l’adaptation des lieux de spectacles ne doit-elle pas s’envisager aussi en termes d’évolution ou conservation des usages et destinations au fil des décennies, donnant ainsi leur place à des questionnements économiques et écologiques ?

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Les propositions d’environ 2000 signes ainsi qu’une présentation sommaire des auteurs sont à envoyer à Sandrine Dubouilh (sdubouilh.universite@orange.fr) et à Rafaël Magrou (rafael.magrou@gmail.com) pour le 25 octobre 2019.

 

 

 

[1] À ce sujet, on pourra consulter l’ouvrage de Yann Rocher, Théâtres en utopie, Arles, Actes Sud, 2015.

[2] Nicola Sabbatini, Pratiques pour fabriquer scènes et machines de théâtre [1638], Neuchâtel, Ides et Calendes, 1942.

[3] Gaëlle Breton, Théâtres/Theaters, Paris, Le Moniteur, 1989.

[4] Pierre Patte, Essai sur l’architecture théâtrale ou de l’ordonnance la plus avantageuse à une salle de spectacle, relativement aux principes de l’optique et de l’acoustique, Paris, Moutard, 1782.

[5] Sandrine Dubouilh, Une Architecture pour le théâtre populaire 1870-1970, Paris, Éditions AS, 2012.

[6] Rafaël Magrou (dir.), Scènes d’architecture, nouvelles architectures françaises pour le spectacle, éditions du Patrimoine, 2007. Catalogue du pavillon français à la 7e biennale d’architecture de Sao Paulo.

[7] On désigne ici les personnes en charge de l’élaboration du programme architectural définissant les besoins à satisfaire pour les projets à réaliser.