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Penser la langue en Afrique francophone aujourd’hui : Francographies et langues africaines (Maroua)

Penser la langue en Afrique francophone aujourd’hui : Francographies et langues africaines (Maroua)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Roger Fopa)

Journée d'étude : Penser la langue en Afrique francophone aujourd’hui : Francographies et langues africaines 

La  langue se conçoit comme un système –ensemble homogène d’éléments dont chacun est déterminé négativement ou différentiellement par l’ensemble des rapports qu’il entretient avec les autres éléments (Jacques Moeschler et Antoine Auchlin, 2009 : 30). Les premiers postulats de sa théorisation ont préféré pour la science dont elle est l’objet, la conception de linguistique structurale, faisant ainsi référence à la linguistique interne. Celle-ci se préoccupe donc de tout ce qui peut infléchir sur le système et le changer, excluant  l’influence pouvant découler des rapports entre la langue avec des faits – culturels, politiques, historiques –qui lui sont extérieurs. Outre la dimension systémique, la langue est aussi un phénomène social ayant un caractère dynamique quoique conservant une certaine stabilité en raison de ce qu’elle est manifeste dans la conscience des locuteurs comme référentiel essentiel de relation au monde.

En Afrique, et dans l’espace francophone en particulier, l’avènement de la langue française s’est opéré dans un temps relativement court –près d’un siècle – et dans un contexte d’occupation particulièrement violent. Après les indépendances, de nombreuses variétés dialectales du français ont rapidement émergé en postcolonie, « sociétés récemment sorties de l’expérience que fut la colonisation, celle-ci devant être considérée comme une relation de violence par excellence » (Achille Mbembe, 2005 : 139-140). Ces dynamiques de la langue française ont donné naissance à diverses variations, – ces formes dérivées ont semblé s’autonomiser de par leurs « tendances phonétiques […], morphologiques […] et lexicales » (Paul Zang Zang et Pierre Essengue, 2015 : 44-45) – ; situation qui révèle a priori que la langue française n’est qu’une trace laissée dans un environnement constitué de nombreuses langues fortement ancrées. A postériori, malgré l’effort pour le colonisateur de séparer les Africains d’avec leurs langues, leurs cultures et leurs traditions jugées rébarbatives, les besoins pour ces Africains de se situer dans un monde profondément déchiré par la différence ont favorisé l’émergence de graves conflits identitaires. Cette situation a abouti à la remise en question de la culture française comme une culture de l’universel, et à la nécessité d’un retour aux sources. Dans le même temps, il s’est développé une dynamisation des langues nationales/maternelles– introduction à l’école des langues et cultures nationales – et une certaine émergence des formes de plus en plus élaborées d’argots. Au Cameroun en particulier, le camfranglais est caractéristique de la floraison de ces parlers en milieu jeunes et de nombreux dictionnaires sont aujourd’hui disponibles même si l’on relève « l’absence de réflexion musclée sur les données des ressources linguistiques du terroir, [le] manque d’action d’envergure sur la réfection du corpus des langues moribondes et la confection des matériels didactiques » (Jean Paul Balga, 2017 : 67).

Ainsi, quel avenir est-il réservé à la langue française face à l’émergence des différentes variétés dialectales dans l’espace francophone ? Quelle place occupe les langues nationales/maternelles dans l’espace francophone aujourd’hui? Est-il pertinent de continuer à parler de « variétés du français », expression de la francitude – la francitude étant comprise littéralement comme « des franco-identités ou francités » (Farida Adelkhah, 1998) – au sens où on l’entend lorsque l’on fait référence au breton ou au corse par exemple ?

D’aucuns considèrent la francophonie comme un outil idéologique qui perpétue « une ségrégation » (Mabanckou), alimentant les clivages du vieil axe paradigmatique dominant/dominé. Ambroise Kom (2000) analyse d’ailleurs le fait francophone comme une véritable malédiction, notamment en ce qui concerne les  politiques culturelles en Afrique. Ces clivages sont rendus manifestes en littérature par l’opposition centre et périphérie et trahissent un mouvement de résistance et de dissidence vis-à-vis de la langue française. De plus en plus, on entend parler de francographie africaine. Pour Dassi (2008), il s’agit d’une écriture fortement influencée par la socio-culture. Fopa et Nankeu (2017) y voient l’ensemble des propositions esthétiques essentiellement contestataires, qui affirme une autonomie idéologique et une certaine distance critique à l’égard de ce que l’on nomme « littérature(s) francophone(s) » d’Afrique ou d’ailleurs, laissant « en avant-garde l’idée d’une diversité dépouillée de toute connotation politiste et hégémoniste. [Ils y voient également] une littérature « d’un monde » parmi « des mondes », qui ne se mesure ni ne s’épanouit qu’au gré des tensions autour et sur le sens » (12).

La francographie peut-elle ou doit-elle être pensée comme une institution littéraire à même de rendre visible la diversité des cultures à l’intersection desquelles on pourrait renouveler la conception de l’universel ? En effet, la résurgence des « nationalismes ataviques » (Mbembe, 2016) en appelle à imaginer le monde comme un mélange de cultures composites dont les modèles de vie commune sont aujourd’hui dépassés, expliquant une sorte de peur du vivre ensemble. La francographie peut-elle objectivement être envisagée comme un lieu, ensemble de productions artistiques, où se trouvent révélées les structures esthétiques, thématiques, linguistiques, idéologiques et même poétiques d’une restructuration des systèmes de relation au monde dans l’espace francophone ? Quel est au final l’état des lieux et quels sont les enjeux du développement des langues dans l’espace francophone aujourd’hui ?

De nombreux horizons critiques, théoriques et méthodologiques dans divers champs disciplinaires peuvent être explorés. Les axes thématiques non exhaustifs qui suivent pourront donner lieu à des réflexions :

- Langues et cultures en Afrique francophone

- Langues et identités

- Langues et savoirs dans l’espace francophone africain

- Parlers jeunes 

- Structures langagières en francographie africaine

- Langues et nationalismes culturels

- Francographie africaine et cultures du monde

- Le signifié en francographie africaine

- La question de la différence en francographie africaine

- Figurations des rituels en francographie africaine

- Mœurs et valeurs : Discours et contre-discours en francographie africaine

- Grammaire et modes de représentation en francographie africaine

 

Le résumé de la communication (300 mots) – cinq mots-clés compris –, doit être envoyé au plus tard le 15 octobre 2017 aux adresses suivantes : balgajean@yahoo.fr et fokuero@yahoo.fr. Il devra être accompagné d’une brève notice biobibliographique du contributeur, mentionnant l’institution d’attache. Notification sera faite aux contributeurs dont les propositions auront été retenues.

 

Comité scientifique

- Clément Dili Palaï, Université de Maroua

- George Echu, Université de Yaoundé I

- Dassi, Université de Yaoundé I

- Edmond Biloa, Université de Dschang,

- Augustin Emmanuel Ebongue, Université de Buea

- Théophile Calaïna, Université de Ngaoundéré

- François Guiyoba, Université de Yaoundé I

- Parfait Diandue Bi Kakou, Université Félix Houphouët-Boigny, Côte-d’Ivoire 

- Marie-Gérard Noumsi, FALSH, Université de Yaoundé I 

- Gilbert Doho, Case Western Reserve University, OHIO, USA 

- Cheryl Toman, Case Western Reserve University, OHIO, USA 

- Raymond MbassiAteba, Université de Maroua 

- Alain Cyr Pangop, Université de Dschang 

- Jean Claude Abada Medjo, ENS, Université de Maroua

 

Coordination

Balga Jean Paul

Fopa Kuete Roger

 

Département de français

FALSH-Université de Maroua