Actualité
Appels à contributions
Journée d'étude Vigny : Passions et Émotions (Paris)

Journée d'étude Vigny : Passions et Émotions (Paris)

Publié le par Philippe Robichaud (Source : Sylvain Ledda)

VIGNY : PASSIONS et ÉMOTIONS

Journée d’étude organisée par Sophie Vanden Abeele-Marchal (Paris-Sorbonne)

et Sylvain Ledda (Rouen Normandie)

Université Paris-Sorbonne, Maison de la Recherche, 15 juin 2017

« L’affectation est ridicule en France plus que partout ailleurs, et c’est pour cela, sans doute, que, loin d’étaler sur ses traits et dans son langage l’excès de force que donnent les passions, chacun s’étudie à renfermer en soi les émotions violentes, les chagrins profonds ou les élans involontaires. Je ne pense point que la civilisation ait tout énervé, je vois qu’elle a tout masqué. J’avoue que c’est un bien, et j’aime le caractère contenu de notre époque. Dans cette froideur apparente il y a de la pudeur, et les sentiments vrais en ont besoin. » C’est en ces termes que Vigny décrit un certain état moral de la France dans Servitude et grandeur militaires.

Au cœur du dispositif du discours moraliste, « passions » et « émotions » inscrivent la réflexion du romancier dans une histoire des idées qui excède le dix-neuvième siècle. Lecteur de Descartes et de Pascal, mais aussi des philosophes anglais du XVIIIe siècle, Vigny n’a pas eu une position ferme ni univoque à l’égard des passions (Jarry, « Vigny philosophe », Cahiers de l'Association internationale des études françaises, 1993). S’il emploie très souvent les termes « philosophe » et « philosophie » dans son œuvre, il fait également un usage constant de « passions » et « émotions ». Mais que recouvrent réellement ces deux notions dans son œuvre ? Ont-elles la même acception selon qu’elles apparaissent dans la fiction ou dans les essais, les carnets, la correspondance ? S’agit-il, dans une perspective cartésienne, de « toutes les pensées qui sont […] excitées en l’âme sans le secours de sa volonté, et par conséquent, sans aucune action qui vienne d’elle, par les seules impressions qui sont dans le cerveau » (Descartes, « Lettre à Élisabeth » du 6 octobre 1645) ? Ou bien Vigny se situe-t-il davantage du côté de la pensée de Spinoza, pour qui les passions relèvent essentiellement de l’imaginaire (Éthique, III) ou de Hume, qui juge que « la passion est une émotion violente et sensible de l’esprit à l’apparition d’un bien ou d’un mal, ou d’un objet qui, par suite de la constitution primitive de nos facultés, est propre à exciter un appétit » (Traité de la nature humaine) ?

Si ces trois acceptions sont présentes dans l’œuvre de Vigny, elles n’évacuent pas une conception plus romantique des passions comme intensification des vertus libératrices de l’individu (Hegel, Kierkegaard). Des formes de « sensibilité » individuelle aux « enthousiasmes » collectifs, politiques ou religieux, il est certain qu’aucune des manifestations des passions du siècle n’a laissé indifférent celui qui dans Stello en 1832 prône la « neutralité armée » et, trois ans plus tard, dans Servitude et grandeur militaires, stigmatise toute forme de « séidisme ». De récents travaux (Histoire des émotions, sous la direction d’Alain Corbin, t. 2, Seuil, 2016) invitent aussi à envisager les passions à la lumière des émotions, notamment quand celles-ci sont collectives. Il s’agira donc, au cours de cette journée d’étude, d’envisager l’œuvre de Vigny dans la perspective de l’histoire des idées ; on pourra notamment étudier, outre la bibliothèque philosophique de Vigny, l’évolution de sa conception des passions et la manière dont elles s’incarnent et sont mises en scène dans son œuvre, que ce soit dans le théâtre, la poésie (Dolorida, La Mort du loup…) ou ses romans.

 

Les actes de cette journée seront publiés dans le numéro de 2017 du Bulletin des Amis de Vigny, aux Classiques Garnier. Les propositions de communication, argumentées, sont à adresser, avant le 30 mars 2017, à Sophie Vanden Abeele-Marchal (sophie.vanden_abeele@paris-sorbonne.fr) et à Sylvain Ledda (sylvain.ledda@free.fr)