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L’image textuelle en littérature et dans les discours (Univ. La Manouba, Tunis)

L’image textuelle en littérature et dans les discours (Univ. La Manouba, Tunis)

Publié le par Marc Escola (Source : Farah Zaïem)

Appel à communications pour un colloque international

à la Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de la Manouba,

12-13 décembre 2018

Colloque organisé en hommage au Professeur Mokhtar SAHNOUN

L’image textuelle en littérature et dans les discours

 

Donnée pour synonyme de figure, au sens le plus large du terme, l’image est fondée sur le principe de similitude, ce qui induit que « la pensée évoque, écarte [et] que la conscience sélectionne »[1]. Georges Mounin (1974) rappelle la récente promotion de ce terme, qui n’était qu’un « générique assez vague » et qui est « utilisé depuis le XIXe siècle pour désigner surtout les tropes fondés sur le rapport d’analogie […] mais aussi les autres tropes, certaines figures, et de nombreuses anomalies sémantiques »[2]. Boileau en donnait la définition d’un mot qui « se prend en général pour toute pensée propre à produire une expression, et qui fait une peinture à l'esprit de quelque manière que ce soit »[3]. Sous l’essor des nouvelles découvertes photographiques et cinématographiques du XIXe siècle, image supplante les termes de la rhétorique classique qu’il dépasse grâce à sa consonance moderniste, à sa parenté avec l’imaginaire et l’imagination et à son pouvoir de présentation immédiate, de surgissement instantané liés aux réalités subjectives de l’auteur. Les mouvements futuriste, dadaïste, cubiste et surréaliste font de l’image le seul canon poétique (Marinetti, 1912, Duhamel, 1913, Reverdy, 1918, Breton, 1924) et  revendiquent pour elle une liberté totale. L’image est désormais définie par l’éloignement, la disjonction, l’arbitraire, la rupture, vecteurs d’étonnement, mais elle s’enlise progressivement dans ses pratiques abusives de l’analogie. Elle se cherche dès lors dans la « qualité différentielle » avec Ponge, dans la « dé-figuration » avec Jaccottet (1970-1976[4]), et elle se dissimule derrière la comparaison dans les textes minimalistes. Elle est souvent confondue avec le monde intérieur de l’auteur, ainsi qu’avec son style. L’image est sujette à l’évaluation stylistique et esthétique. On la juge banale, commune, éculée, usée, stéréotypée, forcée, ou au contraire innovante, colorée, haute en couleurs, figurative, descriptive, évocatrice, frappante, hardie, puissante, etc. Valéry craint que son emploi systématique chez certains écrivains n’en vienne à rendre « indiscernable le sens du signe », à telle enseigne qu’« on ne sait plus de quel côté est le sens, duquel est le signe »[5].

Par ailleurs, l’image pose la question de la mimesis, celle de la représentation et de la figuration, mais aussi celle du simulacre, de la semblance, de la feintise, de l’illusion, du comme si. Elle se refuse à l’imitation et à la ressemblance, toutes deux écartées depuis le XIXe siècle comme procédés invalidants (Barthes, 1953 et 1964, Blanchot, 1955 et 1965, Foucault, 1986, Sartre, 1940 et 1948).

Aujourd’hui, l’analyse de l’image textuelle relève de plusieurs champs disciplinaires. Définie comme « un phénomène polymorphe à la croisée de plusieurs chemins » (Marque-Pucheu, 2001), l’image en langue et en discours se retrouve au cœur des études rhétoriques, stylistiques, herméneutiques, poétiques, sémantiques, sémiotiques, syntaxiques, linguistiques, pragmatiques, cognitivistes, énonciatives, philosophiques, psychanalytiques, épistémologiques, etc. Souvent réduite de manière abusive à la métaphore – cette « figure envahissante » (Rastier, 1987) – elle se réalise dans différents modèles syntaxiques, interactionnels, conceptuels, cognitifs et suscite plus de questions qu’elle n’apporte de réponses.

Concurrencée par l’image iconique, elle interpelle plusieurs autres champs disciplinaires, comme la peinture, la photographie, les sciences de l’information et de la communication, les sciences de l’éducation, la philosophie, l’épistémologie, la pragmatique, la sémiologie, etc. Certaines des études iconographiques portent plus particulièrement sur l’interrelation entre le texte et l’image (Hamon, 1991, Fumaroli, 1994, Shapiro, 2000, Bergez, 2001, Labarthe-Postel, 2002).

C’est dans cette perspective polysémique et pluridisciplinaire que voudra se situer notre colloque. Comment appréhender les images textuelles en littérature et dans les discours aujourd’hui ? Quels statuts stylistique, poétique et pragmatique leur conférer ? Pout-on encore invoquer les notions d’« écart » et d’« ornement » ? Quels référents analogiques et imaginaires culturels, historiques, socio-économiques, dans l’expression imagée contemporaine ? Mais, parallèlement, quelles interactions avec des images iconiques, et avec la nouvelle culture visuelle et numérique ambiante ?

Pourront être développés les axes de recherche suivants (suggestions non exclusives) :

- L’image et ses référents : il s’agit d’interroger le rapport que peut établir une image entre création individuelle d’une part et lieux communs et imaginaire collectif de l’autre ; les référents de l’image relèvent variablement des imaginaires idiosyncrasiques ou sociétaux et peuvent à ce titre constituer des clés de lecture stylistiques ou pragmatiques.

- L’image et le style de l’écrivain : longtemps jugé à l’aune rhétorique des figures, le style d’un écrivain peut être indexé, positivement ou négativement, par les images employées. Figures ornementales, fulgurantes ou obsessionnelles, celles-ci participent très largement de la description du style.

- L’image et la littérarité : quel rôle joue-t-elle dans les théories poétiques et dans quelle mesure pourrait-elle être considérée comme un artefact intervenant dans le texte littéraire ou comme une essence inhérente à toute production poétique ?

- L’image comme stratégie discursive : repenser l’interaction entre l’image et son contexte de production, (ré)-intégrer l’image dans un ordre logique/analogique et en calculer la signification et l’effet pragmatique, dégager les spécificités de l’image à travers les différentes pratiques langagières.

- L’image textuelle et l’image iconique : quelles interactions, quelles hiérarchies (chronologiques, perceptives, cognitives) aujourd’hui, notamment chez des écrivains, graphistes, peintres, photographes ou metteurs en scène ? Quelles limites interprétatives et quelles évaluations poético-esthétiques ?

 

Date limite de soumission des propositions :

Les propositions de communication (titre et résumé de 500 signes), ainsi qu’une brève notice bio-bibliographique devront parvenir par courriel, avant le 15 octobre 2018, à l’adresse suivante :

colloque.image2018@gmail.com

Les propositions retenues seront notifiées avant le 30 octobre 2018.

Les frais de transport et de séjour seront à la charge des participants.

 

Comité scientifique :

Abderrazek SAYADI, Université de la Manouba

Afifa MARZOUKI, Université de la Manouba

Ali ABASSI, Université de la Manouba

Fadhila LAOUANI, Université de la Manouba

Jalel EL GHARBI, Université de la Manouba

Mokhtar SAHNOUN, Université de la Manouba

Samir MARZOUKI, Université de la Manouba

Zinelabidine BEN AÏSSA, Université de la Manouba

Amor BEN ALI, Université de la Manouba

Comité d’organisation :

ATTC, Laboratoire de recherche « Analyse textuelle, traduction et communication » de la Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de la Manouba

Le Département de Français de la Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de la Manouba

Fadhila Laouani, Inès Ben Rejeb, Farah Zaïem

 

[1] - SARTRE, Jean-Paul (1936), Imagination. Psychologie phénoménologique de l’imagination,  Paris, Gallimard, coll. « Folio Essais », rééd. 1986, p. 125

[2] - MOUNIN, Georges (1974), Dictionnaire de linguistique, Paris, PUF.

[3] - BOILEAU, Nicolas (1674), Le Traité du sublime attribué à Longin, Paris, Bibliothèque de la Pléiade, Paris, 1966, p. 363.

[4] - JACCOTTET, Philippe (1970-76), Paysages avec figures absentes, Paris, Gallimard.

[5] - VALÉRY, Paul (1942), Mauvaises pensées, Paris, Gallimard, nrf, p. 33.