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La formation des écrivains au XIXe s. (Paris)

La formation des écrivains au XIXe s. (Paris)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Jérémy Naïm)

Colloque

La formation des écrivains au XIXe siècle

26-27 novembre 2018

CRP19 / Paris 3 – Sorbonne Nouvelle

Responsables : Jérémy Naïm et François Vanoosthuyse

 

La question de la formation des écrivains intéresse en particulier l’histoire et la sociologie de la littérature. La mise en relief du cadre privé et/ou du cadre institutionnel de la formation des écrivains peut contribuer à éclairer non seulement l’œuvre et la carrière de telle ou telle personnalité de premier ordre, mais aussi des phénomènes d’ensemble touchant aux sociabilités, aux postures, aux options idéologiques et conceptuelles, aux formes et aux styles. Il s'agit de répertorier ce qui relève de l'acquis dans les pratiques littéraires.

L’enjeu est également d’envisager les conditions de la réception des œuvres. L’outillage intellectuel des écrivains, les normes qu’ils respectent, celles qu’ils rejettent, les associent à un fonds de savoirs, de croyances et de stéréotypes, les situent dans des traditions, les relient à des communautés politiques. Et même si l’on considère que la création littéraire suppose la capacité des auteurs à désapprendre, à se désolidariser au moins partiellement du cadre dans lequel ils ont été formés, ou se sont formés, il s’agit précisément d’envisager cette dialectique de l’apprentissage et du désapprentissage, avec, autant que possible, toute la gamme des situations qu’elle recouvre.

On pourra envisager des études de cas ou des études d’ensemble concernant une période, un groupe, ou encore un espace de convergence (rédaction de journal ou de revue, académie, salon, etc.). On pourra cibler un type d’apprentissage ou l’intégralité d’un parcours ; une forme ordinaire de reproduction culturelle ou un moment de crise. Qu’est-ce que les écrivains ont appris en particulier de leur langue et des langues, ou plus généralement encore des langages (dessin, peinture, musique, etc.) ? Où et comment l’ont-ils appris ? Comment appréhender l'invention littéraire au regard de ce que l'on sait de la formation des auteurs – y compris de ceux qui se sont illustrés par leur inventivité et/ou ont proclamé un devoir d’inventivité ?

Ces questions, parmi d’autres, permettent de rouvrir des perspectives (depuis longtemps envisagées, par exemple, par Renée Balibar (Les Français fictifs) à propos de l’école républicaine) sur les rapports entre institutions de formation et production littéraire au fil du XIXe siècle, soit aux différentes étapes de la construction de l’institution scolaire nationale. Elles incitent à faire ressortir l’hétérogénéité des moments de l’histoire, la diversité des territoires, et l’importance des paramètres de classe et de genre. La singulière émergence d’une littérature ouvrière, par exemple, peut être analysée dans cette perspective, comme y invite l’ouvrage classique de Jacques Rancière, La Nuit des prolétaires. Mais d’une manière générale, l’un des objets du colloque est de contribuer au tableau de l’extraordinaire hétérogénéité du champ littéraire français du XIXe siècle, tant en termes de parcours qu’en termes linguistiques, idéologiques et conceptuels.

Le questionnement portera également sur les modalités non institutionnelles des formations d’écrivains. Par exemple, on pourra envisager comme une sociabilité d’apprentissage les cénacles, les associations d’écrivains et d’artistes, et les interactions entre scientifiques et écrivains dans les différentes structures où ils se rencontrent (salons, sociétés savantes, revues, journaux, etc.), ainsi que des interactions de maître à disciple, telles qu’elles peuvent être analysées par exemple à travers les correspondances ou les mémoires.

La récurrence des démarches de rupture, en un siècle où le souvenir de la Révolution habite l’ensemble de la corporation des lettres jusqu’à la fin du siècle, autorise à se demander, par exemple, comment il faut comprendre et quelle consistance il faut donner à la revendication de se mettre à l’école du peuple pour écrire, ou celle de se mettre à l’école du réel.

Réciproquement, le rapport entre inventivité littéraire et diffusion de nouveaux savoirs sur la littérature pourra être pris en compte. La diffusion, par exemple, de nouveaux savoirs sur les littératures étrangères, à travers la pratique de la lecture en langue étrangère, les traductions, les adaptations, les échanges et les contacts internationaux, en particulier à Paris, est un aspect essentiel de l’histoire du romantisme français. Qu’est-ce que l’éveil de l’histoire littéraire, de la littérature comparée, qu’est-ce que le renouveau de la philologie et de la linguistique ont modifié de la démarche même d’écrire et de faire carrière dans la littérature ? Ce n’est peut-être qu’un sujet de spéculation, mais la question mérite d’être posée.

 

Les propositions de communications (500 mots environ) sont à envoyer à l'adresse formationecrivains19@gmail.com jusqu'au 30 avril 2018. Les participants recevront une notification d'acceptation dans les deux semaines qui suivent.

 

Bibliographie indicative

Renée Balibar, Les Français fictifs. Le Rapport des styles littéraires au français national, Paris, Hachette, coll. « Analyse », 1974.

Jean-Pierre Bertrand, Inventer en littérature. Du poème en prose à l'écriture automatique, Paris, Seuil, coll. « Poétique », 2015.

Pierre Bourdieu, Les Règles de l'art. Genèse et structure du champ littéraire, Paris, Seuil, coll. « Libre examen », 1992.

Christophe Charle et Laurent Jeanpierre (dir.), La Vie intellectuelle en France, I. Des lendemains de la Révolution à 1914, Paris, Seuil, 2016.

André Chervel, Histoire de l'enseignement du français du XVIe au XXe siècle, Paris, Retz, 2006.

Simone Delesalle, Jean-Claude Chevalier, La Linguistique, la grammaire et l'école, 1750-1914, Paris, Armand Colin, coll. « Linguistique », 1986.

Marc Fumaroli (dir.), Histoire de la rhétorique dans l'Europe moderne (1450-1950), Paris, Presses Universitaires de France, 1999.

Gérard Genette, « Enseignement et rhétorique au XXe siècle », Annales, 1966, nº 21-2, p. 292-305.

Antony Glinoer, Vincent Laisney, L'Âge des cénacles. Confraternités littéraires et artistiques au XIXe siècle, Paris, Fayard, 2013.

Nathalie Heinich, Ce que l'art fait à la sociologie, Paris, Éditions de Minuit, coll. « Paradoxe », 1998.

Dominique Kalifa, Philippe Régnier, Marie-Ève Thérenty et Alain Vaillant (dir.), La Civilisation du journal. Histoire culturelle et littéraire de la presse française au XIXe siècle, Paris, nouveau monde éditions, 2011.

Olivier Lumbroso, Zola autodidacte. Genèse des œuvres et apprentissage de l'écrivain en régime naturaliste, Genèse, Droz, 2013.

Jérôme Meizoz, Postures littéraires. Mises en scène modernes de l’auteur, Genève, Slatkine, 2007.

Jacques Rancière, La Nuit des prolétaires. Archives du rêve ouvrier, Paris, Fayard, 1981.

Alain Vaillant, « Pour une histoire de la communication littéraire », Revue d'histoire littéraire de la France, 3/2003 (vol. 103), p. 549-562.

François Waquet, Le Latin ou l'empire d'un signe, Paris, Albin Michel, coll. « L'Évolution de l'Humanité », 1998.