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La métaphore comme exercice spirituel à l’époque médiévale (XIIe-XVe siècles)

La métaphore comme exercice spirituel à l’époque médiévale (XIIe-XVe siècles)

Publié le par Marc Escola (Source : Julien Abed)

La métaphore comme exercice spirituel à l’époque médiévale (XIIe-XVe siècles)

26-28 septembre 2018, université de Lorraine (Metz)

 

Organisateurs

Julien Abed (Centre Ecritures, université de Lorraine)

Yves Meessen (Centre Ecritures, université de Lorraine)

 

Argumentaire

Il est d’ordinaire commode, pour cerner la métaphore, d’en proposer deux définitions : une première d’ordre rhétorique et une seconde d’ordre sémantique. Cette distinction semble opératoire pour penser les corpus textuels médiévaux, car la démarcation profane / scripturaire est souvent à l’horizon de la pensée médiévale. Elle est formulée telle quelle dès la première question (article 9) de la Somme théologique (« La doctrine sacrée doit-elle user de métaphores ? »), et la notion de métaphore, au carrefour des arts du langage et de la théologie, a alimenté au Moyen Âge la réflexion des grammairiens et dialecticiens (pour lesquels elle est trope ou figure) comme celle des théologiens (où elle équivaut à un déplacement sémantique intervenant dans le discours sur Dieu). C’est mettre en question, pour les médiévaux, l’articulation problématique des belles lettres et des Saintes Lettres, et réfléchir au statut de l’image poétique comme forme d’expression de la vérité (qu’est-ce qu’une « vérité imagée » ?) : les divers efforts entrepris pour comprendre comment la vérité s’insinue dans les cœurs de manière voilée, menant parfois à une identification de la poésie à la théologie ou à la philosophie, constituent des jalons décisifs dans l’histoire de la pensée. Ces controverses, déjà bien connues, fécondent naturellement les travaux contemporains portant sur la période médiévale.

Le parti pris du colloque serait de ne pas en rester à cette dichotomie, qui semble opposer deux métaphores irréductibles l’une à l’autre. La métaphore n’est pas seulement un artefact esthétique pour désigner des choses, ni un palliatif aux défauts du langage pour traduire un contenu de pensée, ni encore le nom donné aux mots sacrés qui permettent à l’être humain de se représenter ce qui dépasse son esprit. On voudrait proposer une définition pragmatique de la métaphore, qui montre l’engagement et l’implication nécessaires du sujet pour l’écriture et la lecture des textes, qu’ils soient profanes ou sacrés. La métaphore ainsi comprise révèle, dans le langage, quelque chose d’au-delà du langage, et le situe du côté de l’affect plutôt que du concept. La métaphore est d’ailleurs connue au Moyen Âge par l’Institution oratoire de Quintilien (livre VIII, chap. 2 « De la clarté »), où elle est définie comme « transport (…) à des choses par une parole de soi inappropriée » : « la propriété n’est donc pas relative au terme en lui-même, mais à sa valeur sémantique, et ce n’est pas à l’oreille, mais à l’intelligence d’en apprécier pleinement la valeur ». Cette définition laisse entendre un usage très large de la métaphore permettant de « mettre quelque chose devant les yeux », selon la définition d’Aristote dans la Rhétorique (Livre III, chap. 10), où le philosophe explique, à l’occasion d’un développement sur les différents types de métaphores, que la plus efficace d’entre elles est celle qui peint les choses en mouvement : l’évidence est un relais textuel, qui met en mots l’imagination de l’orateur pour mieux stimuler celle de l’auditeur.

En recourant à l’expression d’exercice spirituel, chère à Pierre Hadot, le colloque se propose de définir la métaphore hors des deux catégories précédemment établies. En prenant appui sur des corpus théologiques, philosophiques, mystiques, poétiques, qu’ils analysent la métaphore ou qu’ils la mettent en œuvre, il voudrait montrer comment la métaphore travaille les textes et devient, en tant qu’outil pédagogique permettant de rendre une doctrine perceptible et d’attirer l’auditeur à celle-ci, une arme majeure de la conversion (pas seulement religieuse, mais aussi philosophique ou morale). Le colloque se propose de voir si une telle définition de la métaphore est opératoire pour rendre compte de l’expérience d’écriture et de lecture des textes médiévaux. Les communications, croisant les corpus théologiques et littéraires, devront mettre à l’épreuve cette pensée de la métaphore comme exercice spirituel, afin de savoir à quel point sa définition pragmatique est extensible. Il s’agira de lire les textes dans la perspective « d’une situation concrète ou d’une forme de vie », où la métaphore désignera une activité discursive « visant à modifier, en soi ou chez les autres, la manière de vivre et de voir le monde » (P. Hadot, Wittgenstein et les limites du langage, p. 11).

Cela renvoie à l’idée d’une psychologie de l’écriture et de la lecture, dont on envisage les vertus curatives ou thérapeutiques, car capables d’influer sur la pensée et sur l’action ; cela permet de revenir plus largement sur les relations entre éthique, bien-être psychique et plaisir du texte, qui forment selon les médiévaux le bénéfice de la chose écrite.

 

Modalités pratiques de soumission des propositions

Le colloque se déroulera à Metz (campus du Saulcy) du mercredi 26 septembre au vendredi 28 septembre 2018. Le Centre Ecritures et l’université de Lorraine prendront en charge l’hébergement et les repas. Le transport est à la charge de chacun des participants.

Une publication dans la collection « Recherches en littérature et spiritualité » (Peter Lang) est envisagée.

Les propositions de communication (300 mots) sont à envoyer avant le 15 mars 2018 à :

Julien Abed, julien.abed@univ-lorraine.fr

Yves Meessen, yves.meessen@univ-lorraine.fr