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La 'renaissance littéraire' africaine anglophone en débat (Villetaneuse)

La 'renaissance littéraire' africaine anglophone en débat (Villetaneuse)

Publié le par Vincent Ferré (Source : Aurélie Journo)

Appel à communications

Journée d'étude

La « renaissance littéraire » africaine anglophone en débat

Lecture et conférence de Billy Kahora, rédacteur en chef de la revue Kwani? (Kenya)

Université Paris 13- Campus de Villetaneuse – 5 juillet 2017

Fondée en 2003 par Binyavanga Wainaina, la revue Kwani ? s’inscrit tout à la fois dans la lignée des revues anglophones qui se sont développées à la suite de Présence Africaine dans les années 1960 (comme Black Orpheus ou Transition) que dans celle des magazines dits « populaires » qu’étaient Drum ou Joe. Elle témoigne d'une vitalité littéraire retrouvée dans la région et est devenue une maison d’édition qui vise à encourager et promouvoir la création littéraire nationale et continentale. Elle collabore régulièrement avec d’autres revues/maisons d'éditions du continent comme Chimurenga (Afrique du Sud) et Farafina/Kachifo et Cassava Republic (Nigéria).

À l’occasion d’une lecture et conférence de Billy Kahora, rédacteur en chef de la revue kényane Kwani? à l’université Paris 13 le 5 juillet 2017, le laboratoire Pléiade (axe 4) organise une journée d'étude consacrée aux nouvelles formes d'expression littéraire en Afrique anglophone.

Bien que toute tentative de périodisation de l'histoire littéraire puisse sembler être un exercice périlleux au mieux, artificiel au pire, et qu'il faille se méfier des dichotomies simplificatrices qui opposent le nouveau à l'ancien, la rupture à la permanence, il est indéniable que de nombreux auteurs africains anglophones ont connu une visibilité accrue sur la scène littéraire internationale au tournant du XXIe siècle tandis que sur le continent ont émergé des revues littéraires (Kwani ? au Kenya, Saraba ou Farafina au Nigéria, ou Chimurenga en Afrique du Sud), des maisons d'éditions locales (Cassava Republic et Kaficho au Nigéria, Storymoja et Kwani Trust au Kenya), ou des collectifs d'écrivains (Femrite en Ouganda) qui semblent témoigner d'une vitalité littéraire et créatrice retrouvée.

Ces phénomènes se sont vus relayés dans les médias et par les critiques à travers les expressions de « renaissance » ou de renouveau (« renewal ») littéraires. D'autres critiques, écrivains ou universitaires, comme Helon Habila, Harry Garuba, ou encore Paul Zeleza, ont qualifié cette génération de la fin des années 1990 et du début des années 2000 de « troisième génération » d'écrivains africains, et ont cherché à mettre en lumière les traits qui la différencieraient des générations qui l'ont précédée, sans pour autant passer sous silence les éléments de continuité qui la rattachent à ces dernières. Tous semblent insister sur le caractère cosmopolite (« post-national », pour citer Habila) de cette génération, qui explique un rapport à l'identité et aux racines culturelles africaines plus fluide, privilégiant l'idée de multiplicité d'appartenances à celle d'hybridité. En outre, si le thème de la migration occupe une place toujours importante, de nouveaux thèmes ont fait leur apparition (question de genre ou LGBTQIA, phénomènes de radicalisation et terrorisme global, entre autres). Enfin, des genres souvent sous-représentés et considérés comme mineurs se sont vus investis ou ré-investis par de nombreux écrivains, que l'on songe à la science-fiction, au genre de la fantasy ou encore au roman policier.

Si de nombreux chercheurs et critiques ont pu déceler dans la fin du XXe siècle et le début du XXIe siècle un tournant dans la production littéraire africaine anglophone, c'est aussi parce que cette période a été marquée par un certain nombre de changements d'ordre politique, social ou technologique qui ont modifié les conditions de production littéraire. On peut citer tout d'abord les mouvements de « décompression autoritaire » (J-F. Bayart) qui ont mené au retour au multipartisme au Kenya ou à la fin de la dictature militaire au Nigéria, mais aussi la fin de le guerre civile au Sierra Leone ou la fin de l'apartheid en Afrique du Sud, évolutions politiques et sociales qui ont contribué à un climat plus propice à la création littéraire, mais aussi à la modification de la réception des œuvres. Le développement de l'Internet a également joué un rôle non négligeable en ce qu'il est rapidement apparu comme une plateforme de diffusion et de démocratisation de la pratique littéraire, mais aussi comme un lieu d'échange et de sociabilité où ont pu se développer des communautés littéraires qui ont en partage moins l'appartenance à un espace commun que des aspirations et des préoccupations partagées. Enfin, il faut souligner le rôle important qu'ont joué les prix littéraires comme le prix Caine, créé en 2000, dans la visibilité accrue des écrivains anglophones du continent.

L'objectif de cette journée d'étude est donc d'interroger ce que l'on dit lorsque l'on parle de « renaissance littéraire » à propos de la production littéraire africaine anglophone contemporaine. S'il est tentant de présenter les évolutions récentes à travers le prisme du changement et de la nouveauté, il conviendra de mesurer et de penser conjointement la rupture et la permanence. Il conviendra aussi d'éviter l'écueil d'une vision monolithique de ces évolutions en proposant des lectures qui témoignent de la variété des pratiques littéraires contemporaines et de la spécificité des conditions socio-politiques dans lesquelles elles se situent.

Il s'agira donc de s'intéresser tout à la fois aux changements et aux permanences thématiques, au renouveau générique ou au réinvestissement de certains genres ainsi qu'aux expérimentations formelles. De plus, l'on pourra se pencher sur l'évolution de « l'espace des possibles » (P. Bourdieu) en s'intéressant à l'émergence d'institutions littéraires continentales (prix, maisons d'éditions, revues, collectifs d'écrivains). En effet, si l'influence et le pouvoir prédominants des « centres littéraires » décrits par Pascale Casanova dans La République Mondiale des Lettres persistent, il est indéniable que ces nouvelles structures mettent au jour le développement de réseaux de sociabilité littéraire pan-africains et nous invitent à repenser et à complexifier le paradigme qui oppose centres et marges de l'espace littéraire mondial et conçoit leur rapport à travers l'opposition entre forces centrifuges et centripètes.

Parmi les pistes possibles d’intervention on peut citer, sans qu'elles ne soient mutuellement exclusives ou que la liste ne soit exhaustive,

  • les thèmes émergents (sexualité et question de genre, radicalisation et terrorisme, ) ou des thèmes qui se voient ré-explorés ou revisités (le roman urbain et la trope de la ville, la migration, l'écriture de l'histoire / l'écriture mémorielle)

  • les expérimentations stylistiques et formelles (postmodernisme, influence des formes issues des nouvelles technologies : blogs, SMS)

  • les genres « mineurs » émergents (afro-futurisme, science-fiction, récits d'anticipation, fantasy, etc.)

  • la pratique littéraire contemporaine : institutions littéraires ; réseaux d'écrivains ; formes de sociabilité littéraire ; prix, légitimation et canonisation ; production, circulation et réception des œuvres, etc.

Les personnes souhaitant prendre part à la journée d'étude sont priées d’envoyer leurs propositions de communication par courriel à aurelie.journo@univ-paris13.fr, yann.fuchs@univ-paris13.fr et anne-valérie.dulac@univ-paris13.fr avant le 2 juin 2017. Les propositions devront contenir les renseignements suivants : le titre de la présentation, un résumé de 400 mots maximum, la langue de présentation (anglais ou français, priorité sera donnée aux communications en anglais), ainsi qu’une brève notice bio-bibliographique de quelques lignes.