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Le ballon et la plume : dire, raconter, commenter le football

Le ballon et la plume : dire, raconter, commenter le football

Publié le par Marc Escola (Source : Raphaël Luis)

Le ballon et la plume : dire, raconter, commenter le football

Colloque organisé les 28 février et 01er mars 2019 à LYON.

 

Le football est un jeu qui se joue à onze contre onze, et à la fin, tout le monde en parle. Tout le monde ? Non, car des irréductibles résisteraient encore et toujours à l’envahisseur : nombreux sont en effet les textes et les auteurs illustrant la fracture entre les intellectuels d’une part et le sport de Platini de l’autre, comme en témoigne l’exergue de Football de Jean-Philippe Toussaint : « Voici un livre qui ne plaira à personne, ni aux intellectuels qui ne s’intéressent pas au football, ni aux amateurs de football qui le trouveront trop intellectuel[1] ». Le colloque «Le ballon et la plume : dire, raconter, commenter le football » espère au contraire constituer un point de jonction entre le stade et l’amphithéâtre visant à réconcilier et faire dialoguer l’amateur et l’intellectuel, le littéraire et le supporter en réunissant les acteurs de ces deux champs souvent séparés.

Si la recherche en littérature s’intéresse depuis de nombreuses années à la culture populaire (rock, rap, jeux vidéo, séries télévisées…), le football semble en effet inexorablement tenu à l’écart de ce mouvement de légitimation. Et cela alors même que les travaux sur ce sport se développent dans tous les domaines du savoir (sociologie[2], histoire[3],sciences exactes[4]…) et que le corpus footballistique ne cesse de croître[5]. Car les écrivains, depuis Ronsard jouant à la soule à Albert Camus et Vladimir Nabokov faisant l’éloge du gardien de but, travaillent depuis longtemps à la rencontre féconde du ballon et de la plume. Depuis les années 70 en particulier, les auteurs contemporains font une place de plus en plus importante à ce phénomène culturel et sportif majeur,de l’anticipation potache de la coupe du monde de 2006 par le collectif Inculte[6] à l’exploration poétique du fameux coup de tête de Zidane par Jean-Philippe Toussaint[7], en passant par les textes de Bernard Chambaz[8], Laurent Mauvignier[9] et François Bégaudeau[10]qui s’attachent, dans un effort de déhiérarchisation culturelle radicalement démocratique, à répondre au triple défi du corps, du geste et du spectacle.

Un jeu, comme l’écrit Denis Saint-Amand, c’est « à la fois des règles, des astuces pour les contourner, des stratégies et des coups du sort, mais c’est aussi un langage[11] ». Or, si le football est un art « libre, joyeux, passionné[12] », il est surtout « habité par les mots[13] ». Dès lors, comment traduire dans et par le langage ce jeu unique qui, « hormis pour Maradona, […] se joue avec les pieds et uniquement avec les pieds[14] » ? Comment représenter cet « art sublime et puéril » qui « demeure un jeu et suscite tant d’émotions[15] » ? Et qu’est-ce que le football en littérature ? Un style ? un motif ? une péripétie ? un genre ? une tonalité ? En somme, comment écrire, dire, raconter, commenter « le roi des jeux » (Giraudoux) ?

Nous souhaiterions donc mener l’exploration approfondie de ce corpus et transformer le terrain de football en terrain de recherche afin d’interroger à la fois les enjeux de représentation de ce sport, la poétique du geste[16] et du match[17] mise en place par les auteurs, les jeux de ton et les partages génériques que l’écriture du football engendre ainsi que le rapport de l’écrivain à ces nouvelles formes mythologiques coulées dans la société du spectacle.

Plus globalement, nous voudrions interroger le football comme acte discursif : articles de journaux et de magazines, commentaires radiophoniques et télévisés, autobiographies de footballeurs, causeries d’entraîneurs, chants de supporters, tous ces actes de langage méritent une analyse approfondie de la part du chercheur en langue et littérature française, dans une double approche stylistique et pragmatique. Il s’agira ainsi d’étudier les langages du football et ses modalités de représentations et de s’intéresser à la façon dont le football est en retour travaillé et parfois façonnédans sa prose par l’imaginaire littéraire, de l’« épopée » à la « tragédie », des « Petit Poucet » de la Coupe de France aux improbables « explications de texte » entre joueurs, arbitres et entraîneurs pendant les matchs.

Prévu en février 2019, dans le sillage de la coupe du monde féminine dont la finale se tiendra à Lyon, le colloque ne saurait éluder enfin la question du football féminin et de la place des femmes (journalistes, supportrices, écrivaines, joueuses…) dans ce sport, lieu paradoxal de reproduction des stéréotypes et d’émancipation possible.

Mené en partenariat avec la métropole et la mairie de Lyon, souhaitant inclure, accueillir et faire dialoguer les acteurs et les actrices de ce sport et du monde universitaire, ce projet se veut aussi ouvert sur un large public, à l’opposé d’une saisie élitiste du football réservée à un public d’initiés. Aux communications de chercheurs se mêleront ainsi des tables rondes réunissant footballeurs et journalistes sportifs ainsi que des interventions d’écrivains,avec l’espoir d’opérer un véritable décloisonnement culturel et institutionnel, déplaçant la frontière des savoirs légitimes mais aussi nos propres habitudes de chercheurs. L’originalité et l’inventivité des propositions, leur capacité à concilier rigueur scientifique et ouverture au plus grand nombre seront au cœur des attentes du comité scientifique pour faire de ce colloque une manifestation à la fois sérieuse et ludique, profonde et joueuse.

 

Les propositions de communications sont à envoyées avant le 14 septembre 2019 à l’adresse suivante : direlefoot@gmail.com

Organisation: Jean-Marc BAUD (ENS Lyon), Vincent BIERCE (ENS Lyon) et Raphaël LUIS (Lyon 3)

 

[1] Jean-Philippe Toussaint, Football, Paris, Éditions de Minuit, 2015.

[2] Pour les manifestations les plus récentes : « Football et diversité » – Université Jean Monnet, Saint-Etienne (24-25 juin 2016) ; « Ce que l’Euro nous dit de l’Europe. Football et société dans l’espace européen » - Université de Strasbourg (10 juin 2016). Ou encore, dans une approche plus transversale : « Les sciences du football : la formation du jeune footballeur » (15-16 novembre 2017), colloque organisé par l’Association des chercheurs francophones en football, association qui propose depuis 2007 un colloque hebdomadaire pour « rapprocher les différents acteurs du football »

[3] On peut songer notamment au colloque international « La Coupe du monde de football, entre Europe et Amériques. Enjeux, acteurs et temporalités d’un événement global (XXe-XXIe siècles) » - Université Sorbonne Nouvelle, Paris III (14-15 juin 2018).

[4]« Congrès international sciences et football » – Université Rennes 2 (31 mai – 02 juin 2017).

[5] Pour un panorama critique, voir Patrice Delbourg et Benoît Heimermann, Plumes et crampons : football et littérature, Paris, La Table ronde, 2006 ; Julie Gaucher, Ballon rond et héros modernes. Quand la littérature s’intéresse à la masculinité des terrains de football, Berne, Peter Lang, 2016.

[6]Inculte, « Spécial Coupe du monde de football 2006 », Paris, Inculte, mai 2006.

[7] Jean-Philippe Toussaint, La Mélancolie de Zidane, Paris, Minuit, 2006.

[8] Bernard Chambaz, Plonger, Paris, Gallimard, 2011.

[9] Laurent Mauvignier, Dans la foule, Paris, Éditions de Minuit, 2006.

[10] François Bégaudeau, Jouer juste, Paris, Verticales, 2003.

[11]Denis Saint-Amand, « Football, langue et littérature, Mediapart, 20 juin 2014. URL : https://blogs.mediapart.fr/edition/socrates-football-club/article/200614/football-langue-et-litterature [consulté le 15 avril 2018].

[12] Olivier Guez, Eloge de l’esquive, Paris, Grasset, 2014.

[13]Idem.

[14] Vikash Dhorasoo, Comme ses pieds, Paris, Seuil, 2017.

[15] Olivier Guez, Eloge de l’esquive, Paris, Grasset, 2014.

[16]De nombreux auteurs se sont focalisés sur la description d’un geste en particulier, à l’image de Philippe Delerm (La beauté du geste), Olivier Pourriol (Éloge du mauvais geste)ou encore Olivier Guez (Éloge de l’esquive).

[17]Il s’agit souvent pour l’écrivain que décrire tout autant les joueurs que les supporters, le terrain que les tribunes. Reprenant l’expression de Gilbert Prouteau, « l’optique de tribune », Julie Gaucher rappelle qu’il s’agit alors de « vibrer avec la foule […], de comprendre les rites élaborés, les codes partagés, le langage et les signes de la passion supportrice » (Julie Gaucher, « Football et violence : quand la littérature s’attarde dans les gradins », International Review on Sport et Violence, numéro 3, p. 33).