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Le langage poétique et l'horizon du monde (Gafsa, TUN)

Le langage poétique et l'horizon du monde (Gafsa, TUN)

Publié le par Romain Bionda (Source : Mustapha Trabelsi)

Le langage poétique et l’horizon du monde

 

Journée d’étude

Université de Gafsa, ISEAH (Tunisie), 26 avril 2017.

 

Appel à communications

 

La poésie a longtemps été savante ; elle est l’éclosion et le parfum de tout le savoir humain, de toutes les passions, de tout le langage humain. La poésie est une fluidité relative où chaque mot compte et fait l’objet d’une insistance. Il y a lourdeur, densité, humidité, jamais assèchement complet. Le poète doit se battre contre les mots inertes, souillés d’associations, banalisés par les stéréotypes et transis dans leurs préférences. La poésie témoigne d’une aspiration à une parole moins frelatée, moins gangrenée de clichés, à une parole qui soit vraiment « parlante » plutôt que « parlé ». Elle préfère à l’abondance verbale, les formes subreptices : le blanc, l’espacement, la coupe, la syncope. Ainsi en rompant avec les usages ordinaires du langage, se retournant sur elle-même, sur son propre langage, la poésie risque de tourner le dos au lecteur. Mais justement le plaisir de lire un poème ne repose pas sur la satisfaction à rendre clair un contenu de sens, il est proprement un « plaisir du texte » ; un plaisir au contact sensuel, quasi charnel, avec le verbe auquel la poésie conduit. À mis chemin de l’intelligence d’un sens et de la sensibilité aux formes verbales, le poème déploie un effet qui touche aux assises de notre présence au monde.

À travers cette journée d’étude, on cherchera à interroger le monde comme horizon et la place des mots par rapport aux autres dominations symboliques et poétiques. Les questions ci-dessous constituent de possibles points de départ de réflexion :

La poésie n’est constituée que de mots, mais que faut-il de plus pour la faire accéder à ce pur plaisir de meubler le monde par le verbe ? Qu’est ce que les mots ? À quoi servent-ils dans la poésie ? On parle également de fonction esthétique : on considère que le poète est un artisan des mots et qu’en travaillant des mots, il leur donne sens et cherche à atteindre une forme de pureté, de beauté. En ce sens, la poésie est une langue « à part », au-dessus. On pourrait croire que le vers est une ligne de démarcation absolue. C’est ce que laisse d’ailleurs entendre: « Ceci est proprement matière de poésie » ; « Ceci est dit poétiquement ». Le choix des mots détermine ce qui est poétique et ce qui ne l’est pas. Le poète range les mots dans le vers de façon à créer un sens supplémentaire et à réinventer le monde. Il rapproche les mots pour faire naître des images inattendues. La poésie est l’antithèse de la gestion terre-à-terre des affaires de tous les jours. Elle serait donc une expression plus indirecte, plus contournée, et les mots employés apparaissent comme le critère même de définition du monde. Mais la poésie est-elle que des mots ? Pourrait-elle aller plus loin ? Ce sont peut-être les images renvoyées au monde qui constituent l’essence de la poésie. Comment approcher le mystère du monde ou même l’image poétique du monde à travers le bruissement des mots, le claquement de la rime dans le vers ? Cette idée marque à quel point la poétique des mots est représentative d’une vision de la poésie et plus généralement du monde. Le poème est une analyse du monde qui devient ce qu’il est. Selon J. Peletier, les mots suivent volontiers le monde (Art poétique, éd. F. Goyet, Livre de Poche, 1990, p. 235). Le poète se détache du reste des mortels et semble méditer, seul, face aux mystères du monde. Le langage poétique a toujours pour horizon une certaine expérience du monde, qui pourtant ne s’y donne précisément qu’en horizon de manière détournée, indirecte et paradoxale, car le poème, s’il cherche à désigner les choses, tend aussi à se constituer lui-même comme un objet purement verbal. Dans quelle mesure le sens que le poète peut vouloir donner au monde naît-il au sein même de l’élaboration musicale que la poésie opère sur les mots ? Ainsi la poétique peut avancer « grâce à une saisie plus ajustée du rôle du son en poésie et non pas de la seule image » (Michèle Finck, Poésie moderne et musique, Honoré Champion, 2004). Les mots font-ils défaut, sont-ils vraiment en deçà de ce que le poète voudrait dire ? Cela conduira à penser qu’une image est d’autant plus poétique que ses composantes sont les plus éloignées possibles du monde. Le poète se charge de garder l’unité indéchirable du fond et de la forme. Il met l’accent sur la composante formelle de la poésie et sur sa part de mystère et d’inspiration pour « boire l’idéal dans la réalité » (Musset, Lettre à George Sand, 24 juin 1833, In : Poésies complètes, Pléiade, 1957, p. 513). Voilà pourquoi la poésie doit se battre contre les mots inertes, souillés d’associations, banalisés par les stéréotypes et transis dans leurs préférences.

Pendant cette journée, un débat sera organisé avec le poète Ali Smaoui. Poète lauréat de l’Académie française, il est né en 1946 à Gafsa. Depuis sa prime jeunesse, il se passionne pour les langues, les voyages et la poésie. Nourri des mythes et des symboles de la tradition folklorique orale, il trouve dans la poésie le meilleur moyen de sonder la vie, l’amour et la mort. Ses périples aux quatre coins du monde ont élargi son horizon spirituel. La poésie pour lui est un regard ardent sur l’Absolu. Œuvres : Orphée ou l’amour éternel (Préface de L. S. Senghor), chez l’auteur, 1991 ; Prométhée vole toujours, Tunis, Cérès, 1993 ; La Vénus Céleste, Tunis, l’Or du Temps, 1996 ; et plusieurs autres poèmes publiés dans les journaux de Tunis. Nous invitons les participants qui connaissent ce poète à se pencher tout particulièrement sur son œuvre, sa vision du monde et son esthétique.

Seront bienvenues les communications relevant des études littéraires et linguistiques, mais aussi des approches psychanalytiques, philosophiques ou cognitives du langage poétique. Les propositions de communication (200-300 mots) sont à envoyer à Béchir Kahia : bechirkahia1@gmail.com avant le 02 mars 2017. Merci d’y joindre une brève notice biobibliographique. La journée d’étude aura lieu le 26 avril 2017 à l’ISEAH de Gafsa, Tunisie.

Comité d’organisation : Noureddine Ameur, Souad Bouhouche, Walid Hamdi, Neila Mannai, Lamia Riahi.

Comité Scientifique : Ali Abassi (Université de Tunis), Stéphane Baquey (Université d’Aix-Marseille), Othmen ben Taleb (Université de Tunis), Ridha Bourkhis (Université de Sousse), Kamel Gaha (Université de Tunis), Pierre Garrigues (Université de Tunis), Francis Lacoste (Université de Gafsa), Kamel Skander (Université de Sfax), Mustapha Trabelsi (Université de Sfax).