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Appels à contributions
Le Pardaillan n°5 :

Le Pardaillan n°5 : "Nourriture"

Publié le par Marc Escola (Source : Luce Roudier)

Appel à propositions d’articles, pour le 15 février 2018

Le Pardaillan n°5, "Nourriture"

 

Le cinquième numéro du Pardaillan, revue interdisciplinaire de littératures populaires et cultures médiatiques, sera consacré à un thème transversal, la nourriture. Présente dans tous les mythes, la nourriture fait de toute évidence partie des constantes de l’imaginaire humain [1]. Actes de prédation et de nutrition, banquets et famines, scènes de cuisine et de dévoration, source de vitalité et perversion excessive… la représentation de la nourriture prend bien des facettes, témoignant de notre rapport complexe, parfois comique, parfois angoissé, parfois sensuel jusqu’à l’érotisme, à ce dont ont se nourrit.

De fait, on mange beaucoup, en littérature : la nourriture a donné lieu à quelques « passages cultes », du repas démesuré de Pantagruel chez Rabelais, à la madeleine de Proust génératrice de mémoire spontanée [2]. La littérature dite populaire, quant à elle, est le lieu d’un ressassement obsessionnel du thème de l’alimentation : on peut penser, par exemple, aux descriptions fantasmagoriques de banquets pléthoriques que l’on trouve dans les romans de cape et d’épée d’un Zévaco, ou, plus récemment, dans les cycles de Robin Hobb. Etroitement associée à un personnage, la nourriture peut même se faire incarnation, emblème, tel que le sanglier d’Astérix, le cheesecake de « Gloves » Donahue (Humphrey Bogart) dans Echec à la Gestapo, ou encore le lemoncake popularisé par Sansa Stark dans Game of Thrones

Dans l’univers du conte peut se rêver, comme dans Hansel et Gretel, un univers merveilleux où tout serait comestible, expression d’une soif de dévorer le monde qui nous entoure, mais où nous guette le danger de devenir à notre tour aliments : de salvatrice face à la faim des enfants abandonnés dans la forêt, la surabondance de nourriture devient malédiction et ingurgitation contrainte, en vue du repas d’un autre. De la même manière, la surabondance d’aliments crée sa propre malédiction dans le film d’animation Tempête de boulettes géantes, dans lequel le rapport à la nourriture, d’abord sensuel et fait de désir inassouvi, se transforme en menace d’anéantissement imminent par des aliments devenus gigantesques.

Car, c’est visiblement un fait acquis, la moindre nourriture peut se faire assassine : un verre de brandy ou un sandwich au concombre peuvent suffire à faire passer de vie à trépas chez une Agatha Christie ou un Alfred Hitchcock [3], et une suspicion très lourde pèse alors sur le geste, pourtant vital et simple, de s’alimenter. Le paradoxe atteint son comble dans un film comme La grande bouffe, dans lequel la nourriture, source de vie, est choisie comme moyen de suicide par les quatre personnages.

Même lorsqu’elle ne tue pas, la nourriture semble avoir tendance à provoquer des comportements excessifs, dans les deux sens : à la suralimentation d’Hansel et Gretel répond alors le jeûne de Don Quichotte. Elle est aussi l’occasion de se pencher sur des objets insolites, comme « Le Hareng saur » – sec, sec, sec – de Charles Cros, et peut se faire déclencheur : dans la tragédie shakespearienne, le motif du repas interrompu marque le passage au désordre et à la violence, et dans Matrix, c’est l’acte d’absorption alimentaire (celui de la pilule) qui initie le réveil au monde réel. Dans la science-fiction, l’évolution de la nourriture est même l’occasion de réfléchir (à) l’évolution de l’humanité, et les formes qu’elle prend incarnent les différents futurs envisagés : ceux-ci sont tantôt optimistes chez Gustave Le Rouge, qui dans La Guerre des Vampires présente une gelée colorée, aliment ultime et aromatisable à volonté ; tantôt dystopiques, comme dans Soleil Vert de Richard Fleischer…

Des champignons multicolores de la licence Mario au « sushi légendaire » de Breath of Fire III, le jeu vidéo semble témoigner avec une acuité toute particulière de notre rapport ambigu à la nourriture. Parfois bonus facultatif et positif, la nourriture peut redonner de la vie au personnage : ainsi dans World of Warcraft, par exemple, l’absorption d’aliments solides permet de regagner de la vie, et celle d’aliments liquides de regagner de la mana. On peut également y apprendre le métier de cuisinier, pour préparer des plats conférant des bonus. Mais la nourriture peut également être une source de contrainte, et causer la mort du personnage lorsqu’elle vient à manquer : dans un jeu comme This War of Mine, la gestion du stock de nourriture est l’un des enjeux les plus importants pour le groupe de survivants dont le joueur a la responsabilité.

Bref, la nourriture est ambivalente, et c’est par cette ambivalence que l’on entend s’y intéresser au sein de ce numéro du Pardaillan. Plus encore, la nourriture est au croisement des codes génériques : que l’on pense par exemple au manga et à l’anime dérivé Ben-To, dont le scénario burlesque allie fascination quasi érotique pour la nourriture et affrontements épiques à la Battle Royale. Les contributions pourront donc porter sur l’ensemble du champ médiatique (littérature, BD, jeu vidéo, spectacle vivant, cinéma, musique et chanson, internet, etc), et seront particulièrement bienvenues les propositions transversales visant à explorer plusieurs champs médiatiques.

Les propositions de contribution, d’une longueur de 500 à 1000 mots environ, sont à adresser à luce.roudier [@] gmail.com pour le 15 février 2018 au plus tard. Si la proposition est retenue, l’auteur sera informé avant le 20 septembre, et l’article sera demandé pour le 15 août 2018. La parution est prévue pour septembre 2018.

 

[1] Voir Gilbert Durand, Les structures anthropologiques de l’imaginaire.

[2] Sur la présence de la nourriture en littérature, on peut consulter entre autres la thèse de Carine Goutaland, récemment publiée sous le titre De régals en dégoûts. Le naturalisme à table, Garnier, 2017.

[3] A ce sujet, on peut s’amuser à consulter les deux livres de recettes-citations d’ Anne Martinetti et François Rivière : Crèmes et Châtiments : recettes délicieuses et criminelles d’Agatha Christie, et La sauce était presque parfaite. 80 recettes d’après Alfred Hitchcock.