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Les Lectures du CRP 19 : La Mer de Michelet (Paris 3)

Les Lectures du CRP 19 : La Mer de Michelet (Paris 3)

Publié le par Marc Escola (Source : Elisabeth Plas)

Les Lectures du CRP19 – 3e édition

La Mer, Jules Michelet

17 juin 2017


Pour la troisième année consécutive, les doctorants du Centre de Recherches sur les Poétiques du XIXe siècle (CRP19–Paris III Sorbonne-nouvelle) mettront à l’honneur, lors d’une journée d’études, une œuvre du XIXe siècle, pour concentrer autour d’elle les méthodes et savoirs de chacun.

Cette année, notre journée sera consacrée à La Mer de Michelet.

Ce choix d’un texte non fictionnel peut surprendre ou rebuter : qui a lu Michelet et pourquoi le spécialiste de littérature s’embarrasserait-il d’histoire naturelle, de méduses et autres polypes ? Pour une raison simple : La Mer est une œuvre fondamentalement romantique, un chant lyrique et épique, entre rêverie poétique et exploration scientifique, synthétisant tous les savoirs pour plonger au cœur du vivant.

Publié en 1861 après huit mois de rédaction, La Mer s’inscrit dans une tétralogie – composée de L’Oiseau (1856), L’Insecte (1857) et La Montagne (1868) – qui semble appartenir à une seconde carrière et à une seconde vie de Michelet. Reprenant l’expression de Michelet lui-même, la critique a qualifié cet ensemble d’« alibi »[1] à l’histoire, comme si l’histoire naturelle avait permis à l’historien républicain de surmonter la désillusion de 1848 et l’instauration de Second Empire à la suite au coup d’État.

Certaines communications pourront ainsi repérer dans La Mer les traces d’un transfert du monde des hommes au monde naturel, et des préoccupations de l’historien dans l’œuvre naturaliste (motifs récurrents, métaphorisation de la nature, écriture de la temporalité …).

Trace évidente de ce transfert et grande originalité de l’œuvre, La Mer déploie une histoire naturelle fortement anthropocentrée, représentant son objet du point de vue de l’homme, au sens à la fois collectif et subjectif.

La Mer est d’abord l’occasion pour Michelet de ressaisir cet affrontement de l’homme et de la nature qui l’a toujours occupé – de le ressaisir dans une temporalité plus vaste, dans une atemporalité où la réalité rejoint l’archétype. Le premier Livre de La Mer explore ainsi toutes les formes de cet affrontement, des plus fantasmatiques aux plus concrètes, finissant par faire du phare la victoire architecturale des lumières humaines sur l’obscurité des profondeurs. Suivant une structure en contre-point (ou en flux et en reflux), le Livre III, « Conquête de la mer », répond au premier en justifiant toute l’histoire de la pêche par un orgueil humain démesuré.

C’est là l’autre singularité de cet ouvrage dans lequel la connaissance (géographique, biologique, naturaliste) alimente un imaginaire et contribue à l’invention d’une métaphysique.

La condamnation de la pêche industrielle, par exemple, s’énonce sur un double plan, métaphysique et écologique, mythique et politique, et Michelet, en toute logique, finit par en appeler à la fois à un « Droit de la mer » et à une « trêve de Dieu ». Certaines communications pourront explorer cette pensée écologique de l’équilibre et de l’harmonie et mesurer par ce biais (ou par d’autres) l’actualité de La Mer et l’étrangeté de son syncrétisme.

De la même manière, les bains de mer sur lesquels s’achèvent l’ouvrage s’inscrivent dans un discours thérapeutique hygiéniste, tout en symbolisant un retour à la matrice qui sublime la terreur d’un engloutissement dans l’abîme. En régénérant Michelet lors de ses nombreux bains de boue et de mer, l’eau lui enseigne une philosophie, formulée dans le Livre IV : « Il [l’Océan] dit la vie, la métamorphose éternelle. ». Cette intuition est corroborée par le savoir scientifique contemporain et nourrit tout un imaginaire de la mer redevenue Mère. Ainsi, Michelet sait gré à Lamarck d’avoir rétabli « de forme en forme, la circulation de l’esprit » ainsi qu’à Berthelot d’avoir affirmé que toute vie commence et se perpétue dans le « mucus général » des eaux, car ces théories consolident un fantasme en faisant de la mer cette « grande femelle du globe, dont l’infatigable désir, la conception permanente, l’enfantement ne finit jamais ».

Ces quelques caractéristiques convergent en une poétique profondément originale que certaines communications pourront essayer de cerner, en s’intéressant par exemple

- à la manière dont le savoir scientifique (transformisme, vitalisme, biologie…) remotive ou approfondit certains lieux communs littéraires et rhétoriques et retrouve une pensée mythique et archétypale (de Michelet à Bachelard) ;

- aux enjeux d’une histoire naturelle romantique (comparaisons bienvenues) ;

- à la recherche d’un style et d’une composition globale mimétique de la mer elle-même[2] ;

- aux procédés d’une écriture vitaliste et transformiste ;

- à l’intégration de La Mer dans un réseau d’œuvres contemporaines maritimes (Hugo, Baudelaire, Verne, Lautréamont…), à condition que les grandes œuvres n’étouffent pas la plus petite.

 

Les propositions de communication de 500 mots maximum, accompagnées d’un titre et d’une courte bio-bibliographie, sont à envoyer à elisabethplas@gmail.com avant le 15 janvier.

Les communications, d’une durée de 20 minutes chacune, pourront être publiées sur le site du CRP19 (texte ou enregistrement, selon la volonté des participants).

 

[1] Dans le numéro de Romantisme célébrant le centenaire de la mort de Michelet, Linda Orr intitulait par exemple l’un des premiers articles consacrés exclusivement à La Montagne « L’alibi, ou l’autre discours de Michelet : La Montagne » (Romantisme, n°10, 1975, Michelet cent ans après, pp. 63-74).

[2] Dans l’esprit par exemple des contributions de Myriam Roman, « Nature et rythme (La Mer, L’Amour, La Femme) » et d’Éric Bordas, « Rythme et représentation (La Mer) », dans Paule Petitier (éd.), Michelet, rythme de la prose, rythme de l’histoire, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2010.