Actualité
Appels à contributions
Littérature, linguistique & économie (Gafsa)

Littérature, linguistique & économie (Gafsa)

Publié le par Romain Bionda (Source : Mohamed Anis Abrougui)

Université de Gafsa (TUN)

Institut supérieur des études appliquées en humanités de Gafsa (ISEAHG)

Département de langue et littérature françaises

Journée scientifique le 15 Février 2019

 

Littérature, linguistique & économie

 

Appel à contributions

 

Il n’y a pas de doute que littérature et économie sont intrinsèquement liées, dussions-nous nous restreindre à la distribution de l’œuvre, une fois sur le marché. Les courants esthétiques à la mode, le lexique « courant » d’une époque, la sensibilité du public, sont autant d’impératifs que le marché impose à l’écrivain, tiraillé entre un idéal prescrit – et peut-être proscrit dans une conception transcendante de la littérature –  et un idéal recherché pour s’assurer du succès. Les modes de publication en feuilletons dans les journaux avant que le volume comportant le texte intégral ne paraisse sont des opérations de commercialisation, pour ne citer que cet exemple, dont ont usé des écrivains comme Balzac (aux prises avec les créanciers), Dumas, ou encore Zola. Le livre en tant qu’objet est ainsi soumis aux lois du marché : en tenant le public en haleine et en jouant sur l’effet de suspens, l’offre littéraire stimule la demande et tente d’intéresser les « consommateurs ». Molière avait changé le contenu de sa pièce Les Fâcheux, après sa première représentation, en y rajoutant un personnage, afin d’attirer l’attention de Louis XIV et de s’assurer les pensions et les privilèges que tout artiste convoitait à cette époque. On devait « plaire et instruire » pour réussir, entre autres, sur le plan économique.

La littérature est ainsi un produit culturel dont la production est fortement influencée par l’environnement économique. Mais ceci ne concerne qu’une problématique de forme, car si des thématiques telles que la politique, la religion, ou encore les mœurs sociales sont traitées par la littérature, l’économie en tant que science y trouve aussi bon nombre de ses racines, et différentes théories économiques sont représentées au sein de plusieurs œuvres littéraires. De plus, l’économie constitue souvent un thème ou un sous-thème de l’œuvre narrative et poétique.

Le Discours sur l’origine de l’inégalité parmi les hommes de Rousseau renie la notion de propriété, la fable des Troglodytes dans les Lettres persanes de Montesquieu ou encore le Supplément au voyage de Bougainville de Diderot vantent une économie collectiviste fondée sur le partage et motivée par le besoin, d’autres extraits des Lettres persanes parlent du système monétaire de John Law, Candide de Voltaire est une œuvre dans laquelle physiocratie et mercantilisme sont valorisés, et la Fable des abeilles de Mandeville jette les fondements de l’économie moderne d’Adam Smith.

Des genres littéraires sont fondés, en partie, sur la représentation de l’économie : l’utopie, genre censé représenter la félicité humaine et le bonheur pour tous, ne pouvait se détourner du souci de représenter un système économique idéal. La contre-utopie, l’uchronie, le steampunk suivront cette voie dans le sens de la dénonciation ou de la valorisation de certaines pratiques économiques. Plusieurs écrivains, surtout des XIXème et XXème siècles, déploient une littérature remettant à l’honneur le peuple et exposant les principes d’un communisme idéologique et économique, cherchant à rompre avec une structure bourgeoise ségrégationniste. On pense par exemple à L’argent de Zola, à L’or et la soie de Raymond Jean ainsi qu’à toutes les œuvres réunies sous la bannière du réalisme socialiste dans la file de Paul Nizan.

Il est peut-être aussi important de rappeler qu’un grand nombre des maîtres-penseurs de l’économie n’étaient pas spécialistes de formation. En effet, l’Histoire économique moderne débute avec les écrits de savants philosophes : Antonio Serra en était un avant de devenir un économiste mercantiliste, et nous en passons… Les œuvres des poètes et des historiens de l’antiquité contiennent aussi des digressions qui décrivaient les structures économiques des différentes nations évoquées, pour tenter d’expliquer les sources de leurs richesses. On peut explorer l’histoire de la pensée économique en exposant et peut-être aussi en vulgarisant les théories enfouies dans des supports à caractère philosophique ou politique tels que les Six livres de la République de Jean Baudin, loin des manuels modernes de modélisation mathématique de l’économie.

En plus d’être un thème ou même une thèse dans le champ littéraire, l’économie influence la manière d’user du langage. En effet, sur le plan de la sociolinguistique, l’économie est au centre de branches comme l’écolinguisme institué par Louis-Jean Calvet (Les voix de la ville, 1994) qui étudient les pratiques langagières et conversationnelles des individus d’une communauté relativement à leurs statuts socio-économiques. Au-delà des règles strictement linguistiques, le message émis traduit ou trahit la situation sociale et économique du locuteur. De plus, les modalités de l’échange conversationnel sont souvent déterminées par le contexte social dans lequel il se produit : Si on ne parle pas de la même manière dans une administration et dans un marché, on ne demande pas au boulanger de nous servir une baguette de la même manière dans un quartier chic et dans un quartier populaire.

Les classes sociales ou économiques différentes usent du langage comme un pouvoir symbolique. Pour Bourdieu (Ce que parler veut dire, 1982 / Langage et pouvoir symbolique, 2001), les liens de communication permettent aux rapports de force de s’installer en transformant la violence en une imposition de sens. Les interactions sociales fonctionnent comme un véritable marché imposant ses règles aux individus, et cela se traduit dans leurs échanges linguistiques.

Par ailleurs, l’économie concerne aussi le langage, ce « symbolisme le plus économique » selon Benveniste : Dans un monde dont les limites de temps et d’espace ne cessent de se réduire, les sociétés humaines optent pour des procédés d’économie, aussi bien sur le plan de la forme (formes brèves) que sur le plan de la structure des productions langagières sonores ou écrites (comme la réduction graphique par exemple). Des Maximes de La Rochefoucauld à Twitter qui limite les productions écrites à 140 caractères, il n’y avait qu’un pas à franchir. Des procédés oratoires antiques aux discours médiatiques et politiques contemporains, un autre. L’économie dans son acception de parcimonie des moyens peut même expliquer l’émergence de prises de positions esthétiques comme celui du minimalisme.

Pour conclure, il s’agira de borner l’intérêt à quatre grands axes de recherche (L’événement s’organisera en ateliers parallèles regroupant les interventions qui portent sur le même axe) :

_ Les rapports entre l’œuvre et sa commercialisation

_ Les représentations de l’économie en littérature

_ L’économie du langage

_ L’influence de l’économie sur le langage

 

Comité d’organisation (ordre alphabétique des noms) :

  • Mohamed Anis Abrougui
  • Noureddine Ameur
  • Monia Bouali
  • Wejden Bouslah
  • Mokhtar Farhat
  • Jamil Ghouaidia
  • Walid Hamdi
  • Sihem Hasni
  • Taoufik Kahri
  • Neïla Mannaï
  • Najah Ouni
  • Awatef Sdiri

 

Comité scientifique (ordre alphabétique des noms) :

  • Zouhour Ben Aziza
  • Arselène Ben Farhat
  • Ines Ben Rejeb
  • Martine Chassignet
  • Stephane Hirschi
  • Laurent Jenny
  • Rémy Poignault
  • Mustapha Trabelsi
  • Patrick Voisin
  • Farah Zaïem
  • Sonia Zlitni-Fitouri

 

Modalités pratiques :

Date limite de soumission des propositions de communication : 30 Novembre 2018

Les propositions de communication doivent comporter : titre, auteur (Nom, prénom, fonction et établissement / université de rattachement), mots clefs, résumé et bibliographie sélective. 

Adresses e-mails à laquelle les propositions doivent être envoyées : abrougui.mohamed.anis@gmail.com 

Notification aux chercheurs dont les propositions sont acceptées : 15 Décembre 2018

Date limite de réception des articles pour préparer la publication des actes de la journée : 1er Mars 2019

 

Responsable de l’événement : Mohamed Anis Abrougui