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Néojaponisme et renouveau contemporain des relations culturelles France-Japon (revue Alternative francophone)

Néojaponisme et renouveau contemporain des relations culturelles France-Japon (revue Alternative francophone)

Publié le par Marc Escola (Source : Aurélie Briquet)

Néojaponisme et renouveau contemporain des relations culturelles France-Japon

Appel à contributions pour la revue Alternative francophone

 

L’âge d’or des relations culturelles établies entre la France et le Japon semble fixé une fois pour toutes à la fin du XIXe siècle, lorsque la découverte et la révélation en France et en Europe des estampes japonaises marquent de son empreinte délicate et colorée la peinture occidentale. Par l’entremise de quelques amateurs d’art japonais influents, tels Edmond de Goncourt ou Siegfried Bing, la diffusion de ces images exotiques infléchit notamment la création impressionniste. Cet attrait pour le Japon inspire également la littérature fin-de-siècle à travers les œuvres des Goncourt eux-mêmes, mais aussi de Marcel Proust, Pierre Loti ou encore Judith Gauthier, elle aussi fascinée par les territoires étranges et lointains du Japon. Depuis la seconde moitié du XXe siècle, ce mouvement que l’on a nommé le « japonisme » a fait l’objet de nombreuses recherches et expositions comme en témoigne en particulier le dossier que lui consacre plus récemment la Bibliothèque Nationale de France[1] ou encore le colloque « Territoires du japonisme », tenu en 2012[2].

Dans un jeu de miroir, il a contribué, au Japon, à la notoriété de Hokusai ainsi qu’à la mise en valeur de l’esthétique des estampes, jusque-là considérées comme une forme d’art populaire. Le japonisme s’inscrit en effet dans un jeu d’inspirations transculturelles au cours duquel les frontières entre « haute » culture et culture « populaire » se sont brouillées et redessinées, quelles que soient les formes artistiques. L’élite littéraire japonaise considérait ainsi comme impensable d’élever l’estampe au rang des illustres peintures de l’école Kanō, comme l’explique Tsubouchi Shōyō dans son essai « L’Essence du roman » (Shōsetsu shinzui, 1885-86). Ce dernier œuvra pourtant, sur les bases du réalisme à la Dumas, à faire du roman on plus une distraction populaire, mais une forme d’art en soi.

La Maison franco-japonaise de Tokyo et l’implantation étendue de l’Institut français ont participé à maintenir une présence patente du pays de Victor Hugo au sein du Japon. En parallèle, des écrivains tels que Nagai Kafū ou Endō Shūsaku ont séjourné en France, l’un publiant Contes français (Furansu monogatari, 1909), l’autre contrastant les perspectives japonaises et occidentales à travers ses romans L’Homme blanc (Shiroi hito, 1955) et L’Homme jaune (Kiiroi hito, 1955). À la suite des Jeux olympiques de Tokyo (1964), le Japon devient le « Troisième Grand », selon la formule de Robert Guillain, et l’image de l’Archipel s’associe peu à peu à ses prouesses technologiques. Cette évolution suscite l’émergence d’un « techno-orientalisme » (Morley & Robins, 1995) dont le mouvement cyberpunk demeure la plus notable représentation. Qu’il s’agisse des mangas ou des films d’animation, Akira (1982-90/1989) ou Ghost in the Shell (1989-91/1995) ont ainsi contribué, avec le film Tetsuo (1989) à diffuser l’image d’un Japon high-tech et futuriste. Le cyberpunk français s’est pourtant davantage inspiré des œuvres nord-américaines, telles que le film Blade Runner (1982) ou les romans de William Gibson. En effet, depuis les années 1970, Roland Barthes (L’Empire des signes, 1970) ou Jacques Roubaud (Mono no aware : le sentiment des choses, 1970) ont contribué en France à l’apparition d’un « néojaponisme » plutôt centré sur l’étrange familiarité du quotidien japonais. Distinct du « japonisme » fin-de-siècle, il est décrit par Christian Reyns comme une mouvance inscrite « dans une internationalisation à un double niveau (Europe et globalisation) où se redéfinissent les artistes qui l’illustrent et où ceux-ci à leur tour redéfinissent leur(s) identité(s) nationale(s), culturelle(s) et autres[3] ». Les dernières années du XXe siècle ont ainsi vu apparaître en France un renouveau des échanges culturels, mais aussi économiques et politiques avec le Japon.

Pour réaffirmer la persistance des bonnes relations franco-japonaises, en commémoration du 160e anniversaire de la signature du tout premier traité entre les deux pays – le « Traité de paix, d’amitié et de commerce entre la France et le Japon », la nation française a ainsi célébré tout au long de l’année qui vient de s’écouler un ensemble de manifestations variées (expositions, spectacles de théâtre ou de danse, concerts…) réunies sous le nom de « Japonisme 2018 ». Au-delà du souvenir des influences passées, il faut y lire la volonté de découvrir de nouveaux échanges et rapports culturels entre la France et le Japon. C’est à ces relations culturelles contemporaines que souhaite s’intéresser ce numéro d’Alternative francophone, pour mettre enfin en lumière leurs aboutissements les plus récents, y compris dans la culture populaire et le cinéma.

De telles pistes réservent en effet de belles promesses : la Palme d’or du Festival de Cannes 2018 a été attribuée à un réalisateur japonais, Koreeda Hirokazu pour Une affaire de famille, un film qui dévoile un visage inédit de la société japonaise. Parallèlement, l’un des plus grands succès en librairie revient depuis plus de dix ans à l’écrivain prolifique Murakami Haruki. Dans ce domaine de la littérature française et au sein d’autres arts encore, le haïku exerce une influence plus ou moins patente et qui s’étend bien au-delà des formes poétiques. Il agit comme une source d’inspiration prolifique, au point qu’un colloque de juin 2019 met à l’honneur à l’université de la Sorbonne nouvelle « la fécondité du haïku dans la création contemporaine ». Au Japon, les écrivains français tels Proust, Baudelaire ou Paul Valéry continuent aujourd’hui à faire l’objet de recherches universitaires qui, quoique marginales, n’en demeurent pas moins substantielles.

En ce qui concerne le manga et l’anime japonais, la séduction exercée sur le public français est incontestable : suite à l’immense popularité, dans les années 1980, des dessins animés et des films d’animation, la France est, après le Japon, le deuxième marché de lecture du manga et les artistes Ōtomo Katsuhiro et Takahashi Rumiko viennent de remporter le Grand Prix du Festival International de la Bande-Dessinée d’Angoulême, respectivement en 2015 et 2018. L’impact de cette production nipponne fait notamment l’objet de travaux universitaires de plus en plus nombreux. Inversement, si Moebius (Jean Giraud) ou Enki Bilal sont également connus au Japon, de nouveaux artistes d’inspiration manga, tels que Tony Valente, sont également traduits et jouissent d’une belle popularité au Soleil Levant. En sculpture, c’est le défenseur du « Pop-art » le plus provocateur, Murakami Takashi, qui s’invite sur la scène de l’art contemporain français. La science-fiction japonaise littéraire commence elle aussi à se faire connaître avec quelques traductions de nouvelles parues dans le magazine Galaxies ou le roman d’Itô Keikaku (Project Itoh) Harmonie (2008), tandis que le Français Laurent Genefort connaît un beau succès au Japon avec le cycle d’Omale (2001-2015).

Il ne s’agit ici encore que de quelques suggestions vouées à souligner l’ouverture que vise Alternative francophone. La recherche portant sur les relations culturelles contemporaines France-Japon pourra se concentrer aussi bien sur les arts « savants », traditionnels, que sur les créations de la culture pop. L’essentiel demeurera de montrer comment ces rapports, dans les deux sens, transforment en profondeur la signification et la portée du « japonisme », ou bien, inversement, l’impact de la culture française au Japon aujourd’hui, en ces premières années du XXIe siècle. Les propositions pourront ainsi examiner comment le processus d’interaction et de création entre ces deux pays a permis la diffusion et la réception de produits culturels au-delà de leurs frontières tout en donnant naissance à des identités ou des objets culturels hybrides. Elles pourraient s’articuler – sans pour autant s’y limiter – autour des thèmes suivants :

  • Création, diffusion et réception littéraires : héritages et permanences, emprunts, évolutions et innovations 
  • Littératures de migration ou d’immigration
  • Cinéma et arts visuels
  • Genres et sous-genres : science-fiction, fantasy, light novels…
  • Manga et bande dessinée
  • Jeux vidéo
  • Musiques
  • Emprunts et transferts culturels entre la France et le Japon
  • Adaptations et circulations médiatiques entre littérature, cinéma, manga / bande dessinée, dessins animés, et jeux vidéo
  • Voyages, tourisme et dialogues interculturels

Échéances :

Les propositions d’articles d’environ 300 mots, accompagnées d’une brève bio-bibliographie, sont à envoyer à Aurélie Briquet (aurelie.briquet[at]u-pec.fr) et Denis Taillandier ( denis-t[at]fc.ritsumei.ac.jp) avant le 15 octobre 2019, pour une réponse au plus tard début novembre.

La date de remise des articles, en français ou en anglais, est fixée au 9 février 2020.

Pour ces articles définitifs, nous demandons aux auteurs de bien respecter le protocole de publication du journal :

 https://journals.library.ualberta.ca/af/index.php/af/about/submissions

 

[1] https://gallica.bnf.fr/html/und/asie/france-japon

[2] Voir les Actes de ce colloque, Territoires du japonisme, Presses Universitaires de Rennes, 2014.

[3] Chris Reyns-Chikuma, Images du Japon en France et ailleurs, L’Harmattan, 2005.