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Réinventer la nature : pour une approche écopoétique des littératures contemporaines de langue française (Tunis)

Réinventer la nature : pour une approche écopoétique des littératures contemporaines de langue française (Tunis)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Sonia Zlitni Fitouri)

L’unité de recherche « Imaginaire méditerranéen et Interculturalité. Approches comparées » (IMIAC) / Université de Tunis, Faculté des Sciences Humaines et Sociales, en partenariat avec les universités membres de l’Observatoire des littératures francophones du Sud, organise un colloque international à Tunis les 9- 10 et 11 novembre 2018, intitulé :

Réinventer la nature : pour une approche écopoétique des littératures contemporaines de langue française

 

Argumentaire

L’ouverture des littératures à la conscience du Monde suscite, de nos jours, de nombreuses interrogations sur le devenir de la nature, sur les liens entre conscience environnementale et esthétique littéraire.  Les théories anglo-saxones d’ecocriticism ou  d’environmental literary studies, parues dans la seconde moitié des années 1990 et s’inspirant essentiellement d’une longue tradition de la « nature writing », visent à affermir la conscience écologique, à confirmer l'idée que la littérature peut agir comme agent de changement social en se concentrant plutôt sur les éléments thématiques et/ou politiques (Lawrence Buell, The Future of Environmental Criticism). En effet, fortement impliqués dans la sphère sociale et politique, surtout au début, les chercheurs considèrent la littérature comme un moyen d’éveiller les consciences, de sensibiliser les lecteurs aux dangers écologiques auxquels est confronté notre monde actuel, mais aussi comme un moyen de « reconnecter l’étude de la littérature avec la Terre », de renouer avec la nature, de redécouvrir la beauté des paysages et du monde animal.

L’écopoétique, terme en usage en France depuis le milieu des années 2000, vise plutôt à désigner une critique littéraire se situant au croisement de la littérature, de l’écologie et de l’éthologie en proposant d’examiner la relation entre littérature et environnement naturel. Dans son ouvrage intitulé Ce qui a lieu. Essai d’écopoétique (2015), Pierre Schoentjes accorde une place centrale aux enjeux esthétiques, à côté des enjeux éthiques en interrogeant la manière dont la littérature contemporaine francophone (les littératures du Nord) fait une place aux enjeux environnementaux. Il précise que ‘’l’écopoétique met plus volontiers en avant son souci de la forme et de l’écriture que ne le fait l’écocritique : celle-ci assume en effet ouvertement un parti pris politique, ancré dans un contexte anglo-saxon, voire américain.’’ (L’écopoétique : quand ‘Terre’ résonne dans ‘littérature’, 2016)

Depuis la période romantique où écrivains et poètes exprimaient, dans le genre pastoral, un profond attachement à la nature, en passant par le désenchantement de la nature, entendu au sens philosophique des Lumières jusqu’à la période moderne, l’amour de la nature n’a plus quitté l’écrivain, lui permettant, dans une société modernisée et industrialisée, la réconciliation avec soi-même. L’auteur contemporain s’est donné pour mission d’enregistrer les altérations du monde naturel de son époque ; les questions environnementales qu’il aborde sont toujours d’actualité : les effets de l’industrialisation, la disparition des espèces végétales, les dimensions économique, sociale et morale des initiatives écologiques et la condition de l’homme industrialisé. Le monde naturel devient alors intériorisé, réfléchi, partie intégrante des obsessions de sa mémoire. L’auteur contemporain explore le règne végétal et animal et questionne le monde, afin de pénétrer jusqu’aux secrets de la nature.

Dans le champ de l’écocritique ou de l’écopoétique, l’idée d’une réinvention de la nature reviendrait à renvoyer à la nature comme « création sociale » (Evernden), c’est-à-dire à la relation complexe et étroite qui existe entre nature et culture. Ce concept désigne aussi le rôle de la littérature comme alternative aux discours scientifico-techniques. Aussi les termes de ‘’réinvention, recréation ou ré-enchantement ‘’ s’appliquent-ils à l’aisthesis, c’est-à-dire à la capacité (ou l’incapacité) qu’a le texte littéraire de nous proposer un regard nouveau sur notre relation avec le monde naturel. Force est de constater que les écrivains ayant écrit sur l’écologie manquent de visibilité et qu’il serait difficile, de nos jours,  de définir le roman qui traite de l’environnement ou de l’écologie dans la mesure où il n’a jamais fait partie d’une catégorisation dans les histoires de la littérature ainsi que le précise Pierre Schoentjes.

Dans ce colloque, l’idée d’une réinvention de la nature servira de point de départ à une réflexion sur les possibles relations entre littérature et écologie. L’écopoétique y sera analysée comme ouvrant à la fois sur une réinvention esthétique et un renouvellement intellectuel et émotionnel de l’interaction de l’homme avec son environnement. L’écrivain francophone contemporain s’éloignerait ainsi de l’imaginaire romantique où la littérature d’évasion serait « celle  qui ne présente la nature que comme terrain de jeu, de bien-être ou de ressourcement » (Pierre Schoentjes, Qu’il est vert mon roman, Télérama, 2018) vers une littérature qui se préoccupe plutôt des dangers qui guettent l’équilibre écologique tels que le réchauffement climatique, la pollution massive, la menace de disparition de certaines espèces animales, l’épuisement de la nappe phréatique, etc. 

Un autre objectif de ce colloque sera de problématiser cette question en contexte littéraire francophone, celui des littératures du Nord et du Sud, de voir si elles présentent les mêmes préoccupations et sensibilités environnementales, d’étudier quels auteurs et genres littéraires s’intéressent à cette question, et selon quelles modalités.  Quelle place, en effet, les littératures contemporaines francophones font-elles à la nature ? Comment représentent-elles nos relations au monde naturel ? Un écrivain français, belge ou québécois a-t-il la même perception de la nature et des dangers qui la guettent qu’un auteur maghrébin, africain subsaharien ou antillais ? Existe-t-il un imaginaire de la nature spécifique à chaque région francophone ?

On s’interrogera également sur les liens que l’écopoétique peut entretenir avec les stratégies littéraires. La littérature ne recrée pas la nature. En revanche, elle réinvente sans cesse, par le travail de l’écriture, les interactions entre l’homme et la nature et les représentations de la nature que l’homme se fait. Notre manière d’habiter poétiquement le monde dépend inévitablement de notre manière d’habiter les mots. Les formes littéraires peuvent-elles  revêtir un sens écologique et proposer ainsi une théorie esthétique de la nature ?

Pistes de réflexion

Quelle place l’écriture de la nature occupe-t-elle dans les littératures de langue française (européenne, maghrébine, africaine, antillaise, québécoise …) ? Comment l’écopoétique détermine-t-elle l’univers fictionnel sur le plan de l’écriture ? Dans quelle mesure l’écriture de ce rapport à l’environnement permet-elle un solide ancrage dans les enjeux littéraire et sociétaux d’aujourd’hui ? En posant un regard croisé sur les littératures européennes francophones et sur les littératures du Sud (Maghreb, Afrique subsaharienne, Québec, Antilles…), existe-t-il des points communs ou des divergences dans le rapport des écrivains contemporains à leur environnement naturel ? Comment saisir, à partir d’une telle problématique, l’unité (la transversalité) du fait francophone au-delà de la distinction habituelle ‘’francophonies du Nord’’ et ‘’francophonies du Sud’’ ? Quels traitements des nouvelles écritures francophones et quelles stratégies esthétiques adoptées pour dire ce rapport au monde naturel, à l’écologie, étant entendue dans cette relation entre l’homme, la société et la nature ?

Modalités

         Envoi des propositions : au plus tard le 31 août 2018.

Les propositions (titre et résumé : 300 mots) et une brève présentation de l’auteur. (nom, prénom, courriel, affiliation(s), recherches) doivent être envoyées à l’adresse suivante : soniazf2002@yahoo.fr Réponse du comité scientifique : 15 septembre 2018 Date du colloque international : 9-10-11 novembre 2018, Tunis. Langue des interventions : français.

Comité scientifique

Boulaâbi Ridha, Université Grenoble-Alpes ; Collot Michel, Université Sorbonne Nouvelle-Paris3 ; Coste Claude, Université de Cergy-Pontoise ; El-Gharbi Jalel, Université de la Manouba ; Fili-Tullon Touriya, université des Lumières Lyon2 ; Fitouri- Zlitni Sonia, Université de Tunis ; Khadidja Khelladi, université d’Alger ; Kara Atika, Ecole normale supérieure Bouzaréah d’Alger ;  Kassab-Charfi Samia, université de Tunis, Lehdehda Mohamed, Université de Moulay Ismaïl de Meknès ; Schoentjes Pierre, Université de Gand ; Trabelsi Mustapha, Université de Sfax ; Voisin Patrick, Université de Pau, France

 

Comité d’Organisation

Sonia Fitouri-Zlitni ; Dorra Bassi, Rym Hamza, Hager Mazegue, Syrine Bahri