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Expériences mystiques : énonciations, représentations et réécritures (Paris Diderot)

Expériences mystiques : énonciations, représentations et réécritures (Paris Diderot)

Publié le par Marc Escola (Source : Fanny Arama)

Séminaire de doctorants

"Expériences mystiques : énonciations, représentations et réécritures"

novembre 2017- juin 2018

Université Paris Diderot

 

Le séminaire « Expériences mystiques : énonciations, représentations et réécritures » s’étant tenu à l’université Paris Diderot et co-organisé par Fanny Arama, Florian Audureau et Riccardo Raimondo l’année passée s’est à l’origine intéressé aux questions énonciatives relatives à la transcription de l’expérience mystique. L’accent du précédent appel à communication avait été mis sur le parler mystique, selon la terminologie employée par Michel de Certeau (*) et sur son évolution au-delà des siècles étudiés par Certeau. Cette première année de séminaire a permis d’examiner une grande diversité  d’appropriations de la notion de « mystique » par les écrivains et les artistes des XIXe et XXe siècles.

Prise d’abord dans une épistémé moderne assumant le divorce des mots et des choses, l’écriture de l’expérience mystique se pense dans un rapport problématique au texte et à son statut épistémologique. Pensée ensuite bien souvent comme une résistance aux déterminations sociales dans l’optique de leur dépassement, elle alimente un imaginaire artistique très vivace, qui joue avec la référence au passé et la resémantisation de l’expérience au regard du présent et des enjeux contemporains. Enfin, l’écriture de l’expérience mystique est marquée par la réitération d’un vocabulaire et d’une grammaire, ainsi que par le détachement avec une certaine tradition. En ce sens, l’énonciation mystique moderne et le discours moderne sur l’expérience mystique constituent une manière d’interroger le devenir du religieux à l’époque contemporaine sous la catégorie de « sacré ». Aussi est-ce sous un jour particulier que l’expérience mystique semble devoir être prise à l’époque moderne, car sa signification s’exprime par rapport à des préoccupations contemporaines.

Ces multiples tensions ont pu être repérées mais doivent maintenant être approfondies en donnant plus de place à la diachronie et en relevant les problèmes méthodologiques qui se posent nécessairement. Prenant donc acte de « l’écart » qui sépare les productions sociales en fonction des siècles, des langues et des représentations collectives, il ne s’agit pas de redessiner la généalogie d’un genre littéraire mais plutôt d’exporter des questions pour mieux problématiser un objet aux contours variables.

Devant la diversité des définitions du terme « mystique », les difficultés de son utilisation et l’extension variable de son application, nous retiendrons à titre heuristique quelques éléments provenant de notre imaginaire contemporain : la représentation d’une expérience dans sa capacité à mettre en contact avec une réalité conçue comme radicalement autre. Cependant n’est pas « mystique » toute expérience en rapport avec ou aspirant vers l’inconnu, l’irrationnel, le mystère du savoir, telle que les sciences astrologiques, de divination, ou l’ésotérisme en général. A cet égard, il conviendra de tracer les frontières qui permettent de délimiter chaque domaine.

Située au carrefour de l’étude historique, anthropologique, théologique et littéraire, la question de l’expérience mystique et de sa transcription à travers les siècles de l’Antiquité à nos jours doit avant tout être considérée dans son rapport à un contexte historique et social donné. Sans donner d’autres définitions de « mystique » que la radicalité d’une expérience, nous conservons le concept à titre herméneutique en laissant le soin à chaque intervenant de formuler une définition opératoire pour les textes qui le concernent. À défaut de pouvoir prendre « mystique » comme une catégorie transhistorique unifiée et évidente, qu’est-ce qui permet, pour des cas singuliers, de caractériser une expérience comme radicalement à part de l’expérience commune ? La construction du concept de mystique représente une étape préliminaire incontournable pour éviter toute confusion.

Axe 1 : questions de méthode

  • quel est le statut du texte et de l’écriture par rapport à ce type d’expérience ?
  • étant données les caractéristiques définies au préalable, comment les transcrire ? comment les exprimer malgré la radicalité de l’expérience ?
  • comment l’écriture mystique s’accorde-t-elle avec les genres ou sous-genres que constituent la prière, la confession, le monologue intérieur ?

Axe 2 : questions historiques et de sociologie du texte

  • comment cette expérience et le texte qui lui est associé s’insèrent-ils dans le champ social ou en subissent-ils les déterminations ? Autrement dit, comment prennent-ils sens au regard de l’environnement social ?
  • à l’inverse, dans quelle mesure l’écriture ou la performance constituent-elles une action sur le social ? Dans quelle mesure sont-elles représentatives d’un état de la société à une époque donnée ? Quel rapport au pouvoir et aux autorités les écrivains mystiques adoptent-ils ?
  • en quoi l’écriture est-elle le moment d’une resémantisation d’un imaginaire de la mystique ou de sa réactualisation sous une forme neuve ?
  • en quoi le texte devient-il le médium pour une politisation de l’expérience mystique et permet-il de se positionner dans le champ social ?
  • en quoi l’expérience mystique et sa transcription sont-elles le signe d’une hétérodoxie sociale et d’une marge ?
  • l’écriture mystique est-elle nécessairement une écriture d’initiés ?

Axe 3 : intertextualité et réécriture : production et reproduction d’un imaginaire

Un travail sur la création littéraire et artistique en référence à des intertextes ou à des sources est nécessaire pour comprendre comment est produit un imaginaire social sur la mystique tout en laissant place à l’écart et au décalage. En bref, il s’agit de comprendre comment l’écriture est également – et peut-être d’abord – une réécriture.

  • comment l’écriture mystique joue-t-elle avec ses références et les sources de son imaginaire ?
  • l’inscription dans une tradition va-t-elle de soi ou est-elle plutôt le fruit d’une construction ?
  • doit-on parler de réécriture ou d’intertextualité mystique quand des allusions aux discours mystiques antérieurs sont présentes dans un texte moderne
  • enfin, du point de vue de l'histoire de l'art, quelles images de l'expérience mystique sont construites ou véhiculées pendant l'Antiquité, le Moyen-Âge, la Renaissance et l'époque moderne ? Comment ces figurations évoluent-elles en fonction des époques et des milieux ?

 

Le séminaire s’adresse particulièrement aux jeunes chercheurs, mais plus généralement à tous les chercheurs spécialistes du discours spirituel et mystique dans la littérature de l’Antiquité ainsi que dans la littérature moderne, du XVIème siècle à nos jours. Les propositions de communication (maximum 500 mots) devront être adressées au plus tard le 6 octobre 2017, accompagnées de vos coordonnées et d’une courte bio-bibliographie, aux trois adresses suivantes :

- aramafanny@yahoo.fr

- florian.audureau@orange.fr

- gregory.jouanneaudamance@gmail.com

 

Note *  : Michel de Certeau, La fable mystique, I (XVIe-XVIIe) et II (XVIe-XVIIe), [1982], éd. de Luce Giard, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des histoires », 2013.