Actualité
Appels à contributions
Séries TV & adaptations. Hybridation, recyclage et croisements sémiotiques (Reims)

Séries TV & adaptations. Hybridation, recyclage et croisements sémiotiques (Reims)

Publié le par Marc Escola (Source : Sébastien Hubier)

Séries TV & adaptations :

Hybridation, recyclage et croisements sémiotiques

(Journées d’Études)

Reims, Université de Reims Champagne-Ardenne

et Campus Euro-Américain de Sciences Po à Reims

27 et 28 avril 2017

Organisées par Sébastien HUBIER et Emmanuel LE VAGUERESSE

 

Les troisièmes Journées d’Études sur les Séries TV (organisées dans le cadre des laboratoires CRIMEL et CIRLEP de l’Université de Reims), après celles de 20013 et 20151, se dérouleront donc en avril prochain (les jeudi 27 et vendredi 28) à Reims, sur les deux campus habituels, et seront consacrées cette année à la question de la, ou des adaptations, tant ce concept est fluide, varié et, en quelque sorte « réversible ».

Les séries TV ont, dès leur origine2, connu cette double nature de l’adaptation. Elles ont pu constituer, en effet, en l’adaptation d’un genre, comme le péplum, ou d’un « patrimoine » de la littérature populaire d’un pays, comme les polars anglais des années 1980, tels Les Aventures de Sherlock Holmes (The Adventures of Sherlock Holmes, 1984-1985), Inspecteur Morse (Inspector Morse, 1987-2000) ou encore les Hercule Poirot (Agatha Christie’s Poirot, 1989-2013), ou encore les séries de super-héros, comme celle des Batman (1966-1968) d’après les comics américains de la maison d’édition DC Comics – ce qui vaut aussi pour les Watchmen de la même DC ou pour Spiderman de la concurrente Marvel.

Mais les séries elles-mêmes peuvent aussi faire l’objet d’adaptations, et la liste serait longue à établir des avatars. Citons simplement, à titre d’exemples et pour stimuler l’imagination dans la recherche des futurs communicants à ces Journées (qui ne manqueront pas d’en trouver d’autres) : les séries adaptées pour d’autres pays, langues et cultures, comme la colombienne Yo soy Betty, la fea (199-2001), adaptée dix-huit fois dans le monde, ou les résurrections de séries avec nouveau casting et nouveau rythme, bien des années après, comme Hawaii 5-0 (Hawaii Five-0, 2010), soit trois décennies après l’original Hawaï police d’État (Hawaii Five-0, 1968-1980), ou encore les déclinaisons de séries policières dans des villes « à crimes » différentes, des Experts (CIS: Crime Scene Investigation, 2000-2015) basés à Las Vegas, aux Experts : Miami (CSI: Miami, 2002-2012), Manhattan (CSI: NY, 2004-2013) et maintenant Cyber (CSI: Cyber, 2015-2016).

Les séries donnent lieu, également, à d’autres séries dérivées ou spin-off, à partir d’un personnage de la série originelle, comme l’éphémère Joey (2004-2006), à partir du personnage éponyme Joey Tribbiani, l’un des Friends de la célèbre série (1994-2004), à la fin de ladite série3, les séries donnant lieu à des adaptations au cinéma, comme l’opus unique de David Lynch Twin Peaks: Fire Walk With Me (Twin Peaks - Les 7 derniers jours de Laura Palmer, 1992) surgi sur les cendres encore chaudes de sa propre et cultissime série Twin Peaks (1990-1991), comme aussi la série (sic) de films issus des diverses sagas Star Trek (la première datant de 1966-1969), films s’échelonnant entre 1979 et 2013, ou encore comme Ma sorcière bien aimée (Bewitched, 2005), film de Norah Ephron, à partir de la série du même nom (1964-1972).

Mais on n’oubliera pas non plus de rappeler que cette série a elle-même été inspirée par le long métrage Ma femme est une sorcière (I Married a Witch, 1942), tourné par un René Clair en exil à Hollywood pendant la IIème Guerre Mondiale. On voit donc que ces avatars, dans une véritable dimension borgésienne, sont sans fin – mais aussi sans début ? – et souvent réversibles, concomitantes ou démultipliables à l’envi.

Alors, pourquoi ne pas envisager également la novellisation de séries TV à succès, comme celle d’Amicalement vôtre…(The Persuaders!, 1971-1972) ou l’adaptation en bandes dessinées, comme celle, à l’époque, des Mystères de l’Ouest (The Wild Wild West, 1965-1969) ou, si l’on pousse le concept jusqu’au bout, en jeu de société, jeu de cartes, voire en panoplie/déguisement de héros, mais aussi en jeu vidéo, ou – puisque l’on parlait il y a quelques lignes de « dérivés » – en toute une gamme de produits dérivés, précisément, issus d’un merchandising de plus en plus agressif. On pourrait y mettre pêle-mêle les tours organisés sur les pas des héroïnes de Sex and the City (1998-2004) à New York, les gadgets accompagnant les séries à gros succès comme Game of Thrones (2011), puisque la boutique officielle de la maison de production HBO propose sur son site de vente en ligne d’acquérir à prix d’or dessous-de-verre, mugs, vêtements en tout genre et autres figurines de collection, comme pour les blockbusters qu’ils sont censés, désormais, remplacer, notamment dans la consommation culturelle des jeunes adultes.

On pourra aussi s’intéresser aux liens qui unissent esthétique sérielle et esthétique cinématographique, ainsi qu’au jeu que cela suppose entre conventions et innovations, en termes de construction et de déconstruction des personnages ou des procédés de narration. On pourra s’attarder également sur la façon dont l’adaptation à la télévision de longs métrages appartenant aux « mauvais genres » modifie la réception de ces derniers en élargissant considérablement leur public (polar, western, science-fiction, horreur). On pourra étudier la manière dont la série, aux enjeux économiques très forts, peut aussi être une simple mercatique et relancer des scénarios qui étaient tombés en désuétude (ce qui suppose, au demeurant, de faire le départ entre séries des networks, du câble, et des sites de VOD).

Car un certain épuisement thématique menace les fictions postmodernes et hypermodernes, fondées sur des combinatoires narratives qui peinent à produire des variations signifiantes, comme le met en évidence une saga de cinéma telle celle composée par les trois premiers épisodes de Divergente (Divergent), entre 2014 et 2016, mais dont le quatrième opus devrait être, quant à lui, télévisuel. Pourtant, contrairement à une tradition critique qui ne voit dans ces stratégies que de simples opérations commerciales de marketing ou, comme les tenants de l’École de Francfort, que des dispositifs d’aliénation, une étude approfondie de la logique interne des adaptations télévisuelles montre à quel point ces dernières sont liées à de lointaines formes narratives, profondément bouleversés après le 11 septembre 2001.

S’interrogeant ainsi sur les rapports entre cinéma et séries télévisées – unis par des influences réciproques, tout en demeurant concurrents – on pourra se demander si les séries produites par Netflix ou Amazon Prime sont encore de la télévision. Mais, aussi, comment il convient d’aborder des franchises qui, telles celles qui reposent sur le Marvel Universe ou la « galaxie lointaine, très lointaine » de Star Wars, comprennent des œuvres à la fois cinématographiques et télévisuelles. Car ce processus d’adaptation, qui n’est pas à sens unique, comme on l’a dit, modifie profondément la réception des fictions en question, engendrant des effets nouveaux (attachement, appropriation, voire addiction). Comment les adaptations sérielles modifient-elles la notion même d’auteur, et ce, surtout, lorsque de plus en plus de réalisateurs naviguent entre plusieurs médias, à l’instar de Martin Scorsese, Gus Van Sant, de Joss Whedon ou J. J. Abrams ? Comment, sur ce point, la notion de showrunner vient-elle témoigner de ces modifications ?

Nous vous proposons donc de réfléchir au comment et au pourquoi de ces adaptations, mais aussi aux effets – pervers ? – créés par ces dernières, ainsi que sur leur réception et ce, dans l’histoire entière des séries TV, quelle que soit l’aire géographique considérée et quelle que soit, donc, la nature des adaptations en question, même la plus étonnante4. Toute perspective est la bienvenue, étude de texte télévisuel, réflexion linguistique (doublage, sous-titrage…) ou propre à l’histoire culturelle sur des processus y compris commerciaux, etc., du moment que cette perspective éclaire la relation singulière qui existe entre deux ou plusieurs objets dont l’un au moins est une série télévisée. Ainsi arrivera-t-on peut-être à comprendre l’étonnement d’un petit garçon de quatre ans et demi – de chair et d’os : l’anecdote est authentique, et récente – devant l’existence d’une série TV avec « de vraies personnes » à l’origine des figurines de Lego qu’il avait reçues pour Noël et avec qui il inventait ses propres histoires, des figurines de… Game of Thrones.

En somme, ces Journées – qui apparaissent aussi comme un prolongement de celles qui, consacrées à l’« Histoire de la sérialité au cinéma et à la télévision », se sont tenues, à l’automne dernier, dans les Universités de Paris-Diderot, de Paris Nanterre et du Havre, aussi bien que comme un développement rhizomatique du projet engagé en 2017 par l’Université du Québec à Montréal, au Canada, sur les « rêves en boucles et recyclages en série (Réflexivité, réitération et reprise dans la fiction populaire contemporaine) » – ouvrent un très vaste champ de recherches circonscrits par toute sorte de recyclage sériel et générique, par les phénomènes d’hybridation et d’exposition réflexive des codes, par les notions de remake, reboot, spin-off, crossover, what if et alternate – problématiques essentielles à la compréhension de notre imaginaire contemporain. En s’attachant aux stratégies formelles de la fiction populaire d’aujourd’hui, elles seront aussi l’occasion de questionner la pertinence dans le domaine des media studies des concepts d’intertextualité, de transfictionnalité et de transmédialité.

 

Merci d’envoyer vos propositions (un titre, accompagné de quelques brèves lignes de résumé de votre projet) avant le 6 mars 2017 aux adresses suivantes, et au plaisir de vous (re)voir à Reims aux beaux jours :

sebastien.hubier@univ-reims.fr

emmanuel.levagueresse@univ-reims.fr

1 Cf. les actes de ces Journées, publiés sous la dir. de Sébastien Hubier et Emmanuel Le Vagueresse, respectivement Séries télé Saison 1, Montréal, Les Éditions de Ta Mère, Coll. « Pop-en-Stock » Essais n° 2, 2014, 310 p., et Gender et séries télévisées, Reims, Épure, 2016, 236 p.

2 Avec les ancêtres que seraient le serial, film à épisodes projeté dans une salle de cinéma, apparaissant un peu avant la Ième Guerre Mondiale, tels les Fantômas de Louis Feuillade (1913-1914), et le feuilleton radiophonique, évoqué par exemple dans le roman La Tante Julia et le scribouillard (La tía Julia y el escribidor) de l’écrivain péruvien Mario Vargas Llosa (1977).

3 On pourrait aussi citer le crossover, qui consiste à inviter dans un épisode de série TV – ou au cinéma, dans la bédé, les jeux vidéo, ou encore les anime… – un personnage d’une autre série, procédé répété dans les différentes séries des Experts précités, mais aussi, ponctuellement, entre les séries Simon et Simon (Simon & Simon, 1981-1989) et Magnum (Magnum, P.I., 1980-1988), par exemple, pour en rester aux seules Golden Eighties.

4 Comme le volume de poèmes inspirés de séries TV, Serial. Antología poética sobre series de televisión, éd. de Ana Santos Payán y Luna Miguel, illustrations de Patri Tezanos, Almería (Espagne), El Gaviero, Coll. « Salamandria » n° 17, 2014.