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Tolérance(s)

Tolérance(s)

Publié le par Marc Escola (Source : Véronique Montagne)

Tolérance(s)

Nice, MSH Saint-Jean d'Angély

11-12 oct. 2019

 

« Définir la tolérance » est un projet interdisciplinaire (Linguistique, Lettres, Histoire, Sociologie…) consacré à l’étude des définitions (explicites ou implicites) du concept de « tolérance », dans un corpus large, tant au point de vue diachronique que synchronique.

Depuis 1996, chaque année, l’ONU organise une Journée internationale de la tolérance. En 2015, dans un contexte particulier qui est celui où la France a subi des attaques terroristes, Le Traité sur la tolérance de Voltaire a manifestement connu un véritable regain d’intérêt. La progression remarquable des ventes de ce texte, signalée par ses éditeurs, comme l’existence de cette Journée internationale attestent des interrogations (politiques, religieuses, sociales, juridiques, éducatives…) qui sont celles de nos contemporains sur la définition de la « tolérance » et donc la compréhension de cette notion. Or le Manuel éducatif « La tolérance, porte ouverte sur la paix » - qui est une pièce importante dans l’éducation à la tolérance préconisée par les Nations Unies - fait état « des définitions capricieuses et variables » de ce terme, dont les contours changent - par exemple - selon les langues.

Cette (relative) instabilité dans la définition du mot, qui fait que d’aucuns parlent de « vacillations […] du concept »[1], est également sensible pour une même sphère linguistique, en l’occurrence la langue vernaculaire, tant en synchronie qu’en diachronie. À partir de l’étymon tolerantia, désignant en latin classique une « constance à supporter », une « endurance », le Trésor de la Langue française identifie ainsi deux sens principaux au mot « tolérance », l’un orienté vers une polarité axiologiquement négative, le terme désignant alors une forme d’indulgence coupable, de laxisme dommageable ; dans l’autre sens, le mot désigne une « disposition à admettre chez les autres une manière d’être, de penser, d’agir différente de la sienne ». La première attestation de ce dernier sens date significativement de 1567, c’est-à-dire d’une époque où la France traverse la longue et douloureuse période des guerres de religion, ce qui s’accompagne évidemment de réflexions politico-religieuses sur un hypothétique « vivre ensemble ». Dans son Histoire européenne de la tolérance (XVIe-XXe siècles), Thierry Wanegfellen nuance le sens du terme et précise que la tolérance désigne alors plutôt l’ « acceptation d’un mal qu’on ne peut pas empêcher »[2], ce qui rappelle l’étymologie du mot et dit assez combien la compréhension de la notion est liée à son contexte, varie selon les époques et engage des postures énonciatives différentes. C’est donc à une véritable interrogation sur la définition de ce mot, sur les emplois qui en sont faits, leur portée pragmatique et, naturellement, sur la posture énonciative que ce principe (et l’utilisation de celui-ci) requiert que les chercheurs (d’horizons divers) sont ici invités. Le but de cette réflexion pluridisciplinaire, qui constitue un véritable enjeu sociétal, est de mieux comprendre les mécanismes sous-jacents au choix ou au refus de la tolérance, de circonscrire des zones de résistance où les valeurs prônées par un groupe empêchent l’intégration des altérités ou, a contrario, d’identifier les espaces, les choix, les positionnements qui rendent possible cette intégration.

Les pistes à explorer pourraient être :

*Définition(s) et conceptualisation de la tolérance

*Tolérance vs catégorisation et stigmatisation

*Tolérance vs intolérance

*Rhétorique/ stylistique de la tolérance

*L’ethos pré-discursif et discursif du tolérant, sa posture énonciative

*Genres du discours de tolérance

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Bibliographie indicative :

Antoine Capet et Jean-Paul Pichardie, La naissance de l'idée de tolérance : 1660-1689, Colloque de Rouen, 29 et 30 janvier 1999, Presses Universitaires de Rouen et du Havre, 1999.

Albert Cherel, « L’idée de tolérance au début de la Renaissance », Revue d’histoire de l’Eglise de France, n°113, 1942, p.9-50 (https://www.persee.fr/doc/rhef_0300-9505_1942_num_28_113_2929#rhef_0300-9505_1942_num_28_113_T1_0028_0000 »)

Les Frontières de la tolérance, colloques interdisciplinaires sur les valeurs, Université de Fribourg, 19-20 mars 2009, sous la direction de Simone de Reyff, Michel Viegnes, Jean Rime, Paris, Gallimard, 2016.

William Huseman, « A lexicological study of the expression of toleration in french (1559-1565), Cahiers de lexicologie n°48, 1986.

David El Kenz, « La naissance de la tolérance au XVIe siècle : l’« invention » du massacre », Sens public, revue électronique internationale (http://sens-public.org/IMG/SensPublic_ElKenz_Presov.pdf)

Barbara de Negroni, Intolérances : catholiques et protestants en France, 1560-1787, Paris, Hachette, 1996.

Guy Saupin, Naissance de la tolérance en Europe aux Temps modernes : XVIe-XVIIIe siècle, Presses universitaires de Rennes, 1998.

Guy Saupin, Tolérance et intolérance : de l'Édit de Nantes à nos jours, Apogée, 1998.

Tolérance et Réforme, Éléments pour une généalogie du concept de tolérance, textes réunis par Nicolas Piqué et Ghislain Waterlot, Paris, L’Harmattan, 1999.

Peter Van Nuffelen, Penser la tolérance durant l'Antiquité tardive, Editions du Cerf, 2018

Thierry Wanegffelen, L'édit de Nantes  : une histoire européenne de la tolérance du XVIe au XXe siècle, Paris, Le Livre de poche, 1998.

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Le colloque aura lieu à Nice, à la MSH-Sud Est, Campus Saint-Jean d’Angély. 

Date de remise des propositions (1 page maximum avec courte bio-bibliographie) : 10 avril 2019

Date de réponse du conseil scientifique : 30 juin 2019

Une publication des actes est prévue. 

 

 

[1] Humberto Giannini, « Accueillir l’étrangeté », La tolérance, Pour un humanisme hérétique, Paris, Autrement, 1992, p.23.

[2] Thierry Wanegffelen, L'édit de Nantes : une histoire européenne de la tolérance (XVIe -XXe siècle), Paris, Le Livre de poche, 1998, p.14.