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Appels à contributions
Un cinéma poétique ? (Bruxelles)

Un cinéma poétique ? (Bruxelles)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Nadja Cohen)

APPEL A COMMUNICATIONS / CALL FOR PAPERS (English version below)

Colloque international

Université KU Leuven & Cinematek (Bruxelles), 8 et 9 février 2019

Si la question de la poésie « cinématographique » a fait l’objet de quelques études récentes (Mc Cabe, 2009 ; Wall-Romana, 2013; Cohen, 2013), celle du cinéma « poétique » n’a encore été traitée que de manière indirecte et partielle. Les littéraires s’y intéressent généralement comme à une modalité de la poésie hors du livre (Hirschi et alii, 2017), tandis que les historiens du cinéma l’abordent dans une perspective souvent monographique, en se concentrant sur certains cinéastes ou certaines écoles. Le questionnement sur le cinéma poétique se fixe alors sur certaines figures centrales comme Cocteau et sa « poésie de cinéma » aux contours imprécis, Epstein et ses essais intuitifs sur la photogénie, les formalistes russes, Pasolini et son « cinema di poesia », ainsi que sur les cinéastes américains réunis autour de Maya Deren lors du colloque Poetry and the Film en 1953, puis de la Film-Makers’ Cooperative créée par Jonas Mekas en 1962.

Certaines études panoramiques embrassent ce vaste corpus (Coureau, 2104 ; Sitney, 2015)  mais sans envisager les usages triviaux du terme « poétique », malgré l’intérêt que peuvent revêtir ces derniers pour une approche totalisante du phénomène. La question de la poésie de cinéma ne se résume pas, pourtant, aux cas d’école ni au cinéma expérimental qui en radicalise les formes.

Dans la lignée d’un récent numéro de Fabula LHT sur l’utilisation du qualificatif « poétique » hors du champ littéraire (Cohen & Reverseau, 2017), ce colloque se donne pour ambition d’apporter un éclairage sur ce volet encore relativement méconnu, en tenant ensemble trois types de discours s’inscrivant dans des traditions diverses et répondant à des finalités différentes :

1) les écrits des cinéastes ayant tenté de définir la poésie inhérente à leur art

2) les écrits de théoriciens/critiques qualifiant tel ou tel film de « poétique »

3) les textes de communication émanant des professionnels du cinéma dans le cadre de la promotion, de l’édition ou de la programmation de certains films.

L’étude de ces différentes pratiques culturelles nous permettra de répondre aux questions suivantes :

1. Questions esthétiques : la poésie à l’écran comme répertoire de figures ?

Peut-on définir la notion glissante de « cinéma poétique » ? A-t-elle connu des évolutions ? Y aurait-il un cinéma poétique ? Auquel cas, pourrait-on en identifier des motifs privilégiés ? Si la faible narrativité, voire son absence, semble un trait récurrent, est-elle liée à des figures récurrentes et éventuellement à des traits spécifiques (stases lyriques, usage de la voix off, tropisme vers le muet et le noir et blanc etc..), voire des poncifs ? Au sein d’un corpus aux contours instables, quelle place accorder aux films mettant en scène des poètes, ou se référant explicitement à un corpus poétique (dans leur titre, dans leur contenu, dans les échanges entre les personnages) ? Feraient-ils, en raison de leur sujet, l’objet de recherches formelles particulières visant à en faire des films visuellement « poétiques » ?

2. Questions de valeurs : le poétique comme objet du désir et outil de légitimation ?

Comment comprendre le tropisme du cinéma vers le « poétique » depuis les années 1920 ? S’expliquerait-il par certaines spécificités médiologiques ou répondrait-il avant tout à un besoin persistant de légitimation ? Quelles sont, dans le contexte filmique, les valeurs associées à la poésie, entendue comme être culturel soumis à des phénomènes de trivialisation (Jeanneret, 2008) ? Par sa labilité, la notion de poésie servirait-elle avant tout à mobiliser un système de valeurs, plus qu’un corpus cohérent de principes esthétiques ? Quel effet l’étiquette « poétique » cherche-t-elle à produire aussi sur la réception des films ?

3. Question de définitions : une histoire de la poésie par la bande

Quelle(s) définition(s) de la poésie les locuteurs mobilisent-ils lorsqu’ils parlent de cinéma « poétique » (théorie de l’écart, primat de la fonction poétique, définition de la poésie comme attitude existentielle etc…) ? Quel corpus ou quel canon de poètes peut-on y lire, implicitement ou explicitement (auquel cas, le terme « poétique » peut être associé à d’autres adjectifs comme « baudelairien », plus rarement « verlainien », ou même « surréaliste »)? A contrario, quel type de poésie en est aussi exclu ? Que nous apprennent, en somme, ces usages du qualificatif « poétique » des idées de la poésie et de l’histoire de cette notion ?

Pour répondre à de telles questions, nous souhaiterions ouvrir ce colloque aux chercheurs venus de divers horizons (et traitant d’aires culturelles variées) : littérature, linguistique, études filmiques et sciences de l’information et de la communication.

Les propositions (500 mots), accompagnées d’une courte notice bio-bibliographique, seront adressées avant le 1er juin 2018 à nadja.cohen@gmail.com.

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CALL FOR PAPERS

International symposium : “Poetic cinema ?”

KU Leuven University & Cinematek (Brussels), February 8th-9th 2019

While the cinematographic aspects of modern poetry have modern already been dealt with in a few recent studies (Mc Cabe, 2009 ;Wall-Romana, 2013 ; Cohen, 2013), the poetic qualities of film have not received the same attention. Literary scholars usually consider poetic film from the narrow perspective of extending poetry beyond print (Hirschi et alii, 2017), whereas film critics typically study poetic cinema in a monographic way, with a focus on certain directors or certain trends, such as Cocteau’s vague notion of “poésie de cinéma”, Epstein’s thoughts on photogeny, the works of Russian formalists, Pasolini’s “poesia di cinema”, the 1953 symposium “Poetry and the film” around Maya Deren, and the founding of the “Film-Makers' Cooperative” in 1962 by Jonas Mekas.

Some recent studies embrace all these references (Coureau, 2014; Sitney, 2015) but still take no account of the more trivial, but nevertheless interesting, uses of the term “poetic”. Indeed, the question of poetry in film exceeds experimental cinema, though the latter raises it in an exemplary way.

In the wake of a recent Fabula LHT special issue, which traced the various uses of the adjective “poetic” in domains other than literature (Cohen & Reverseau, 2017), this symposium aims to bring to light the notion of poetic film through reference to three distinct types of discourses :

1) essays written by film directors to define their own works as “poetic”

2) press articles in which the term “poetic” is applied to films

3) promotional texts qualifying films as “poetic” (texts advertizing films festivals, trailers, film posters, interviews, DVD bonus etc)

Studying those different cultural uses of the term “poetic” with regard to cinema will enable us to answer the following questions:

1. Aesthetic questions : are poetic films linked to the use of certain tropes?

How could we define the slippery notion of poetic film? Has it evolved in time? Is there such a thing as a poetic cinema? If so, could we identify its specificities, both thematic and formal? Is a (relative) lack of narrativity a central feature of poetic film? Can we identify a series of poetic tropes, like occasional lyrical stasis, a preference for silence and black and white, frequent uses of the voice-over, but also some clichés? How do films that explicitly quote, adapt or stage poetry fit in this corpus? Do they adopt a certain visual “poetic” style ?

2. Questions of values: poetry as an object of desire and an instrument of legitimation  ?

Why has poetry been a preferred term for film directors and film critics since the 1920s ?  Is it because of the mediological nature of cinema or because of the cultural legitimacy that the reference to poetry may accord to cinema? Which values are associated to poetry as a « cultural phenomenon » within the social sphere (Jeanneret, 2008) ? Is the notion of poetry used more as an expression of value than as a set of aesthetic principles ? How does this notion influence the reception of films?

3. Questions of definitions : an indirect contribution to the history of poetry ?

What are the underlying trends and implicit references in the uses of the term “poetic” when applied to films? Which definitions of poetry can we infer from these different uses, depending on the speakers (the theory of distance, the primacy of the poetic function, poetry as a state of being etc..) ? To what kinds of poetry do the various uses of “poetic” refer, whether implicitly or explicitly (in which case the term “poetic” can occasionally be associated with such adjectives as “baudelairien”, more rarely “verlainien”, or even “surrealist”)? And, conversely, which types of poetry do they not take into account ? What can we learn from these uses and how can they contribute to a reflection  on the history of the idea of poetry ?

Please send abstracts (500 words), along with a short biographical note before June 1st 2018 to nadja.cohen@gmail.com

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Indications bibliographiques

Chklovski, Victor, « Poésie et prose dans l’art cinématographique », Les Formalistes russes et le cinéma. Poétique du film, Paris : Nathan, 1996.

Cocteau, Jean, Du Cinématographe, Éditions du Rocher, 2003.

Cohen, Nadja, Les Poètes modernes et le cinéma (1910-1930), Paris, Classiques Garnier, 2013.

Cohen, Nadja & Anne Reverseau, « Qu’est-ce qui est "poétique" ? Excursion dans les discours contemporains sur le cinéma », Revue critique de fixxion française contemporaine, n° 7, 2013, p. 173-186. En ligne: http://www.revue-critique-de-fixxion-francaise-contemporaine.org/rcffc/article/view/fx07.19/744.

Cohen, Nadja & Anne Reverseau (dir.), « Un je-ne-sais-quoi de poétique : l’idée de poésie hors du champ littéraire », Fabula LHT n°18, mai 2017.

Coureau, Didier (dir.), « Un cinéma de poésie », Recherches & travaux, n°84, Grenoble : ELLUG, 2014.

Dziub, Nikol, « Le « cinéma de poésie », ou l’identité du poétique et du politique », Fabula-LhT, n° 18, « Un je-ne-sais-quoi de « poétique » », avril 2017, URL : http://www.fabula.org/lht/18/dziub.html

Epstein, Jean, Écrits sur le cinéma I & 2, Paris : Seghers, 1974 et 1975.

Hirschi, Stéphane et alii (dir.), La Poésie délivrée, Paris : Presses de Paris Ouest, 2017.

Jeanneret, Yves, Penser la trivialité, Paris : Hermès-Lavoisier, 2008.

Luzzi, Joseph, A Cinema of Poetry : aesthetics of the Italian art film, Johns Hopkins UP, 2016.

Maas, Willard, “Poetry and the Film: A Symposium”, Film Culture, No. 29, 1963, p. 55-63.

McCabe Susan, Cinematic Modernism : Modernist Poetry and film, Cambridge University Press, 2009.

Maury, Corinne, Habiter le monde. Éloge du poétique dans le cinéma du réel, Yellow now – Côté cinéma, 2011.

Met, Philippe, « Le « scintillement de la putrescence ». Poésie, cinéma, fantastique, horreur », Fabula-LhT, n° 18, « Un je-ne-sais-quoi de « poétique » », avril 2017, URL : http://www.fabula.org/lht/18/met.html

Oerler, Karla, « Poetic Cinema », Edward Branigan et Warren Buckland (éds.), The Routledge Encyclopedia of Film Theory, New York, Routledge, 2013, (p. 365-371).

Pasolini, Pier Paolo, « Le cinéma de poésie », L’Expérience hérétique, Paris : Ramsay, 1989, p. 15-35.

Poirson-Dechonne, Marion (dir.), « L’écran poétique », Cinémaction, n°157, Corlet, 2015.

Santos, Marlisa, Verse, Voice, and Vision: Poetry and the Cinema, Lanham : Scarecrow Press, Inc., 2013.

Sitney, P. Adams, The Cinema of Poetry, New York: Oxford University Press, 2015.

Vertstraten, Peter, “A Cinema of Modernist Poetic Prose: On Antonioni and Malick”, Image & narrative, vol. 13, n°2, 2012. http://www.imageandnarrative.be/index.php/imagenarrative/article/view/236

Wall-Romana, Christophe, Cinepoetry : Imaginary Cinemas in French Poetry, New York : Fordham University Press, 2013.

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    Leuven et Bruxelles