débats

21 penseurs pour 2021
L'équipe de Philosophie magazine a sélectionné dans la presse internationales ce qui lui est apparu comme les meilleurs essais de l'année : sous le titre 21 penseurs pour 2021, on lira des leçons sur le coronavirus avec Hartmut Rosa et Peter Singer, aux mouvements antiracistes et contre les violences policières avec Eva Illouz et Nadia Yala Kisukidi, en passant Harry Potter et la "cancel culture". Ce best of des idées 2020 donne la voix aux grands penseurs comme Pankaj Mishra, Martha Nussbaum et Michael Walzer, mais aussi aux jeunes générations comme Paul Sebillotte ou Helen Lewis et à des intellectuels du monde entier comme Judith Butler, Jared Diamond et Amartya Sen…
Regards sur le témoignage

La notion de témoignage ne cesse aujourd’hui de circuler d'un champ de recherches à l'autre, à la faveur d'un constant élargissement sémantique : elle est souvent utilisée comme un synonyme de récit de vie ou de trace, notamment quand il s’agit d’évoquer la mémoire d’un passé dont les effets se font encore sentir dans le présent. Sous le titre "Regards sur le témoignage", la trentième livraison de la revue A contrario supervisée par Jacob Lachat, Camille Schaer et Mathilde Zbaeren, donne à lire les actes d'un colloque tenu à l’Université de Lausanne en mai 2019, en invitant à réfléchir aux enjeux interdisciplinaires que soulève cette notion, et questionner au contraire la variété problématique de ses usages.
Autoportraits dans l'atelier, dans la bibliothèque, dans le tableau

On ne verra jamais Giorgio Abamben immobile : l'autoportrait qui paraît ces jours-ci en français tourne autour des ateliers dans lesquels le philosophe a vécu et écrit entre Rome, Venise et Paris. Cet Autoportrait dans l'atelieri (L'Arachnéen) est un livre sur les villes, mais aussi et surtout un livre sur les rencontres et sur l’amitié, avec Elsa Morante, mais aussi Nicola Chiaromonte, Francesco Nappo, Giorgio Manganelli…
—
On peut également choisir de faire son autoportrait dans la bibliothèque, à l'instar de Vivian Gornick dans un essai superbement intitulé Inépuisables. Notes de (re)lectures (Rivages) : elle y revient sur les auteurs qui ont marqué sa vie, lus et relus à différentes périodes.
—
Il est aussi dans l'histoire de l'art bien des Autoportraits cachés, dont Pascal Bonafoux a dressé le catalogue (Seuil) : Botticelli "assistant" à L’Adoration des Mages, El Greco à L’Enterrement du comte d’Orgaz, Ingres se représentant derrière Jeanne d’Arc dans la cathédrale de Reims lors du sacre du Charles VII… Cette variété de métalepse ouvre des questions troublantes : Michel-Ange fait-il le choix de se représenter dans le Jugement dernier de la chapelle Sixtine comme la peau écorchée de saint Barthélémy ? Pourquoi Van Eyck fait-il le choix de n’être qu’un reflet dans le miroir convexe accroché derrière les Arnolfini ? Pourquoi Rembrandt se représente-t-il parmi les bourreaux qui dressent la croix sur laquelle le Christ vient d’être cloué ?
Trois anneaux d'or

Dans un récit aux mille tours intitulé Trois anneaux. Un conte d'exils (Flammarion), Daniel Mendelsohn explore les correspondances mystérieuses entre le hasard qui régit nos existences et l’art des récits que nous en formons, en contant l’histoire de trois écrivains en exil qui se sont tournés vers les classiques du passé pour créer leurs propres chefs-d’œuvre : Auerbach, le philologue juif qui fuit l’Allemagne nazie pour écrire à Istambul sa grande étude de la littérature européenne, Mimésis ; Fénelon, l’évêque du XVIIe siècle, qui donna une suite à l’Odyssée avec Les Aventures de Télémaque, best-seller de son époque, qui lui valut le bannissement ; et l’écrivain allemand W.G. Sebald, qui s’exila en Angleterre, et dont les récits si singuliers explorent les thèmes du déplacement et de la nostalgie. À ce conte d’exils, Daniel Mendelsohn ajoute sa propre voix, entrelaçant l’histoire de la crise qu’il traversa entre l’écriture de la grande fresque mémorielle des Disparus et celle du récit intimiste d’Une Odyssée. L’"art poétique" qui en résulte est un hommage aux mondes grecs et juifs, un trait d’union entre Orient et Occident et une ode à la littérature française. Fabula vous invite à feuilleter l'ouvrage…
(Photo: Leonardo Cendamo)
Théorie de la non-fiction

On peut remplir des bibliothèques entières d’ouvrages philosophiques sur la fiction. Mais il n’existait jusqu'ici aucune théorie d’ensemble concernant les œuvres non-fictionnelles et documentaires, en dépit des nombreux ouvrages collectifs qui se proposent de cartographier les Territoires de la non-fiction, à l'instar du récent volume supervisé par A. Gefen. C’est ce vide qu'entend combler Frédéric Pouillaude dans un essai consacré aux Représentations factuelles (Cerf éd.), qui s'intéresse tout à la fois aux textes, aux images et aux performances pour forger l'hypothèse d'un "art documentaire" et réfléchir à ce que "l’art peut faire du monde et de ses représentations dès lors qu’il s’interdit les ressources de la fiction".
Avec Denis Guénoun

Denis Guénoun est l’auteur à ce jour d’une quarantaine d’ouvrages et de trois œuvres au moins, si l’on tient à distinguer la théorie dramatique, la spéculation philosophique, politique et théologique, et les écritures théâtrales, que celles-ci aient leur lieu d’abord dans des textes ou directement sur le plateau. Mais faut-il distinguer, et surtout: le peut-on? Si chacune de ces œuvres a déjà rencontré son audience, et leurs propositions respectives un accueil grandissant, ces différents publics ne s’étaient pas encore trouvés. Un colloque tenu à Lausanne et Genève était venu installer lecteurs et spectateurs de Denis Guénoun sur une même scène — celle où la littérature, la philosophie, la politique, la théologie, la morale même acceptent de se soumettre à une inédite distribution pour mieux se donner la réplique.
Sous le titre Avec Denis Guénoun. Hypothèses sur la politique,le théâtre, l'Europe, la philosophie (MétisPresses), un volume réuni par Éric Eigenmann, Marc Escola et Martin Rueff en donne à lire aujourd'hui les actes, enrichis des contributions de J. Butler, J.-L. Nancy et bien d'autres, mais aussi de textes inédits de D. Guénoun.
Fabula vous invite à découvrir l'introduction du volume, et à retrouver à l'entrée "Théâtre" de l'Atelier de théorie littéraire quatre essais de Denis Guénoun : Sur les deux sens de la répétition au théâtre, Théâtre et poésie. Propositions, L'adresse au sans visage. Remarques sur le jeu de l'acteur, et Oran, Camus et La Peste.